Fin septembre la presse s'est faite l'écho de la création d'une nouvelle filiale de Nestlé - "Sciences de la santé SA". Cette division englobera dans un premier temps la nutrition des bébés (Gerber) et des malades ainsi que Jenny Craig, la marque concurrente de Weight Watchers. Nestlé annonce qu'elle se développera bien au delà: "Nous allons acquérir des licences, acheter des brevets, nouer des partenariats avec des start-up pour créer un environnement scientifique très ouvert et d'une grande richesse...". Un centre de recherche, le Nestlé Institute of Health Sciences, complètera le dispositif.
Peter Brabeck-Lamarthe indique que: “The combination of health economics, changing demographics and advances in health science show that our existing healthcare systems, which focus on treating sick people, are not sustainable and need redesigning. Nestlé has the expertise, the science, the resources and the organisation to play a major role in seeking alternative solutions. Personalised health science nutrition is about finding efficient and cost effective ways to prevent and treat acute and chronic diseases in the 21st century”.
Pourquoi cette inflexion majeure?
Je pense que la raison est à trouver dans une réflexion stratégique qui tient en 4 points:
- Sous la pression de l'alongement de la longévité, la santé est devenue une préoccupation essentielle dans le monde entier: les états, confrontés à des systèmes de santé extrêmement coûteux, renvoient la responsabilité de leur santé vers les citoyens/consommateurs. On voit donc apparaître une méga-tendance mondiale - laquelle se mue progresivement en nouvelle norme sociale: le devoir de santé.
- Les acteurs économiques (comme Nestlé) qui souhaitent se positionner sur la santé sont aujourd'hui en face de deux marchés aux caractéristiques très différentes:
- le "food": un marché où les barrières à l'entrée sont assez faibles (c'est le rôle des marques), commercialisant des produits peu sophistiqués et en croissance relativement faible - marché où les allégations "santé" et "nutrition" sont de plus en plus encadrées
- la pharmacie: un marché avec des barrières à l'entrée très fortes (l'investissement en R/D et les autorisations de mise sur le marché), commercialisant des produits très sophistiqués, avec des taux de succès faibles et soumis à un pression à la baisse des prix de la part des pouvoirs publics et des généristes
- Il existe un 3ème marché permettant de répondre à la demande de santé: à en croire FoodBev.com c'est celui que Peter Brabeck nomme les "Disease Modifying Nutritionals". En d'autres termes les "medical foods", permettant d'offrir aux consommateurs des solutions personnalisées à leurs problèmes de santé: il s'agit d'introduire dans les aliments des ingrédients ayant une efficacité prouvée sur la santé. L'avantage économique est indéniable: reconnus comme sans risques, dérivés le plus souvent eux-mêmes d'aliments, protégés par des droits de propriété intellectuelle, ils permettent de générer des marges importantes.
- Le véritable défi est alors d'identifier ces ingrédients: c'est la raison pour laquelle le communiqué de presse de Nestlé spécifie que "Nestlé Health Science S.A. will also have access to external scientific and technological know-how through Nestlé’s innovation network as well as a number of venture capital funds in which the group has interests". Il s'agit d'identifier des start-up et des PME ayant acquis un véritable savoir-faire en la matière.
Tous les grands acteurs - du food (Danone en rachetant Numico, Nestlé avec Inneov et maintenant 'Sciences de la Santé') et de la pharmacie (Abbott avec Abbott Nutrition) - sont en train de se positionner sur ce marché. Je suis persuadé que nous ne sommes qu'au début d'une nouvelle ère pour l'alimentaire et la nutrition. Elle sera marquée en particulier par un second défi: construire des marques, autour de la prévention médicale personalisée, capables de nouer des relations de confiance avec les consommateurs.