Magazine Journal intime

Le gros coup de vieux

Publié le 27 octobre 2010 par Unefillealyon

Je blague beaucoup sur ce blog mais il faut savoir que ma vie n'est pas pour autant un champ de roses. Parmi les "choses pas simples" par lesquelles je suis passée, il y a eu  le  syndrome Parkinson-Alezheimer de ma grand-mère. C’est une épreuve difficile de voir une personne de sa famille - qu’on aime forcément même si elle a d’énormes défauts (mais là n’est pas le propos) - se « dégrader » ainsi et perdre petit à petit le sens des réalités, la mémoires des faits, des personnes et de tout ce qui a fait sa vie.
Et passée cette épreuve où aucune surprise ni fin alternative n’est possible, dès lors, c’est l’épée de Damoclès qui apparaît au dessus de ta tête. Parce qu’on le sait tous, ces maladies dites « dégénératives » sont héréditaires. Au-dessus de ta tête donc mais également au dessus de celle de ta sœur, et forcément, en premier lieu : celle de ta mère.
Depuis, tu n’as cesse de surveiller ses propos. Et comme tu n’habites plus tout près, tu communiques essentiellement par téléphone, un moyen de communication avec lequel les mots prennent une importance particulière…
Ma mère rabache souvent. Elle raconte parfois la même histoire à trois reprises différentes lors de trois coups de fil étalés sur la semaine. Parfois je tente de me rassurer en me disant qu’elle a trop picolé ou trop fumé de crack avec mon père, en rentrant du taf, qu’elle est fatiguée, qu’elle a eu plein d’autres personnes au téléphone entre temps et qu’elle ne sait plus à qui elle a dit quoi.
Mais tout de même, je m’inquiète. J’ai peur qu’un jour, à son tour, ma mère ne me reconnaisse plus, perde le fil de son existence, et me confonde avec une illustre ancêtre, qu’elle aurait connu il y a cinquante-ans et qui appartiendrait définitivement au passé.

C’est donc ça aussi "grandir".

Pour certains ça passe par le fait de se reproduire, d’élever des enfants qui s’appellent Pierre, Louis et Jules alors qu’ils avaient juré dix ans plus tôt qu’ils les appelleraient Jimmy, Sid et Kurt. De payer des impôts fonciers suite à l’achat de la grande baraque et de mettre des kilos de Frolic dans le caddie pour nourrir le labrador.
Moi j’ai rien fait de tout ça (même si pour le foncier, ça ne saurait tarder…) mais je vieillis, putain, inexorablement. J’ai peur que ma mère ait le cerveau qui se liquéfie. J’ai peur que mon père finisse par se tuer en bagnole, j’ai peur que ma sœur aille elle-aussi pointer au Pôle Emploi…
C’est gai hein ? Non. Mais ça fait pourtant partie du cheminement qui fait qu’un ado devient un adulte : le plus fort c’est mon père, mais quand même, s’il s’endort sur l’autoroute, je ne suis pas certaine qu’il soit vraiment plus fort que le camion qui arrive en face…
C’est donc officiel. J’ai beau faire des stages de surf , mettre la musique métal à fond dans mon appart pour que le son passe au dessus de celui de l’aspirateur, me faire encore régulièrement des repas à base de bouillie de muesli mélangé dans de la danette (vous devriez essayer !), manger les petits-pois avec du ketchup, prendre du popcorn au ciné, délirer devant American Dad et m’habiller en Roxy… : je vieillis.
Sur ce message bien plombant, je vais de ce pas m’acheter un « tricot » chez Damart (ce sera bien utile avec le froid polaire quil règne dans mon bureau mal chauffé…), une bonne crème antiride et un tube de fixodent (sans déconner, c'est très utile quand votre couronne se barre avec un carambar en attendant de retourner chez le dentiste...).

 
Le gros coup de vieux
Et vous, à quel âge et dans quelles circonstances vous l’avez pris, le bon coup de vieux ?


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