Voilà un film qui dès sa sortie remporte toutes les faveurs du grand public et de ceux des critiques que l'on connaît d'habitude avares de compliments, mais qui n'a pas su me transporter, du moins d'un point de vue purement cinématographique.Je regrette sincèrement que Monsieur Kéchiche à qui l'on doit "La faute à voltaire" un film qui m'a beaucoup touché, soit passé à côté de ce qui aurait pu être pour moi l'épongement de la dette(symbolique) que la France a envers Saartjie Baartman, plus communément connue sous le nom de Vénus Hottentote."Venus Noire" est pour moi un film intéressant et certainement utile, mais ce n'est pas ce que j'appelle un bon film.
Le film est intéressant parce qu'il porte à la connaissance du grand public l'histoire tragique de cette jeune femme née aux alentours de 1789 en Afrique du Sud qui fut trimbalée et exhibée comme une bête de foire en raison de son physique considéré en Europe comme atypique.Saartjie possédait un fessier particulièrement généreux et des organes génitaux protubérants.Pour cette raison Caezar un Afrikaner chez qui Saartjie était employée en Afrique du Sud décide (après lui avoir fait miroiter une carrière artistique) de monter un spectacle forrain dans lequel il la présente comme une créature semi sauvage capturée dans la jungle.Le film qui se déroule de 1810 à 1815 présente les cinq dernières années de la vie de cette femme.
L'intention de Kéchiche était noble et quoi qu'on en dise "Venus Noire" sera le premier film sur le sujet et le moins que l'on puisse faire j'ai envie de dire pour cette femme dont les restes étaient encore exposés en 1974 au musée de l'homme ! Venus Noire est donc avant tout et peut-être malgré lui un film historique qui de ce fait se doit de répondre à certaines exigences si ce n'est pédagogiques, au moins didactiques.L'histoire de la Venus Noire n'est pas unique en son genre et dés les premières minutes du film on pense à l'excellent "Elephant Man" de David Lynch, mais elle a cela de particulier qu'elle fait descendre la cruauté et la bêtise humaine (ce n'est pas tant du racisme) si bas que sa seule évocation en devient gênante et douloureuse.Les théâtres successifs de cette ignominie l'Angleterre puis la France dont la seconde comme le rappelle si bien Kéchiche dans "La faute à Voltaire" s'est toujours targuée d'être le pays des droits de l'homme, terre d'accueil des opprimés du monde la rendent encore plus infamante.L'Angleterre traduira tout de même en justice la maître de Saartjie pour esclavage, mais celle-ci viendra elle même revendiquer devant la cour son statut de travailleuse, d'artiste (Ce dont elle essaie encore de se convaincre en noyant ses derniers sursauts de révolte et de lucidité dans l'alcool).Cette scène est pour moi la plus intéressante du film car nous montre une Angleterre où le respect de la dignité humaine est (déjà) élevé au rang de droit. L'Etat lui-même étant garant des droits et des devoirs des individus peu importe leur couleur de peau ou leur origine. Cela va même plus loin puisque ce n'est pas la victime qui saisit le tribunal, mais des citoyens qui se sentent eux-même blessés par ce spectacle. Le succès du spectacle ayant attiré des journalistes qui ne tardent pas à écrire des papiers s'indignant du comportement esclavagiste de Caezar, ce dernier est convoqué au tribunal pour s'expliquer sur la relation qui l'unit à Saartjie (relation qu'il n'hésite pas à qualifier de contractuelle) et surtout sur le caractère licencieux d'un tel spectacle. Lorsque Saartjie explique qu'elle est une artiste, les cris fusent dans la salle, les femmes sont indignés, les regards révulsés presque au désespoir et une femme hurle à Saartjie: "Vous n'êtes pas actrice, moi je suis actrice !".Cette scène est particulièrement bien filmée et s'il fallait n'en garder qu'une pour moi ce serait celle-là. Mais c'est également la scène ou Saartjie refuse la main qui lui est tendue donc je peux comprendre que ce n'est pas celle qui fera date.Pourtant elle est très importante : Alors que la France sort tout juste de son siècle des lumières, l'Angletterre en 1810 consacre le principe du respect de la dignité humaine. Il faudra attendre 1995 pour que le Conseil d'Etat français lui donne une valeur juridique à l'occasion d'un arrêt du 27 octobre "Commune de morsang-sur-orge" au sujet de l'interdiction d'un spectacle de lancé de nain.Et ce n'est qu'en 2002 que la France restitue les restes de Saartjie. Oui parfois(souvent) nous marchons sur la tête dans ce pays et Venus Noire est l'occasion pour Abdellatif Kechiche (une fois de plus) de le rappeler.
Pour toutes ces raisons et parce que pour un réalisateur de cinéma cela peut-être risqué dans un pays qui prône la liberté individuelle de rappeler chacun à sa responsabilité et à son devoir de veiller au respect de la dignité humaine, un devoir qui incombe finalement et l'on voit bien dans le film à la communauté, Venus Noire restera dans l'histoire.
Mais en tant que cinéphile, je ne peux me nourrir de la seule intention d'un cinéaste.Le film est trop long (2h40) ce qui en soi n'est pas un défaut mais le scénario est beaucoup trop mince pour nourrir ou justifier une telle durée.Si certaines scènes sont indispensables à l'histoire, je n'ai pas compris la longueur de chacune d'elle donnant l'impression que le film est une succession de tableaux que l'on fait durer au maximum pour éviter de rajouter des lignes qui auraient pu être intéressantes au scénario comme de donner la parole plus souvent à Saartjie. qui se rêve artiste et a donc forcément des choses à dire. D'ailleurs elle réclame elle même implicitement cette parole pendant le film et notamment lorsqu'elle entame lors d'une "représentation" un chant bouchiman (sa tribue d'origine). Pourquoi ne pas avoir exploitée cela ?Même une voix off aurait pu être utile et pour une fois appropriée pour nourrir un peu ce scénario.J'ai trouvé également que le film repoussait les frontières de la pudeur suffisamment loin pour ne pas avoir besoin de faire jouer Yamina Torres en combinaison de nylon quand on sait que Saartjie n'avait pas un tel honneur. Je ne sais pas mais, mais cette combinaison qui se veut couleur peau mais qui ne l'est pas et qui devient bordeaux ensuite donnait un côté ridicule au jeu de l'actrice et m'a fait un effet "gadget" qui a entaché l'authenticité du film. De même lorsque l'on parle de pagne à plusieurs reprises alors qu'il s'agit en réalité d'une sorte de ceinture bijoux faisant office de cache sexe, je me demande si bout de tissu était si difficile à trouver. J'ai le sens du détail me direz-vous, mais si les principales récompenses cinématographiques prévoient un chapitre costume, c'est que ceux-ci ne sont pas complètement anecdotiques dans un film.J'ai eu l'impression d'assister à une pièce de théâtre mais les dialogues n'étaient pas aussi intéressants pour que je puisse m'en satisfaire de cette occurence.Le film est statique, et les personnages semblent se mouvoir dans un espace spatial très réduit que les nombreux gros plans sur les visages ne suffisent pas à faire oublier mais donnent au film un côté trop terre à terre. A mon sens pas adapté au sujet.Le film semble se perdre dans les méandres de l'esprit de son réalisateur lorsqu'il nous présente les soirées de la bourgeoisie canaille auxquelles Saartjie est de nouveaux exhibée où l'on a droit à plusieurs scènes aussi vulgaires qu'inutiles. Pour moi le film se termine à ce moment et tout le reste(encore au moins 1h) m'a donné l'impression d'assister au tournage d'un épisode de la série Maison Close qui n'en finirait pas où le réalisateur nous montre la vie du bordel et le détail des passes des filles. On a envie de dire à ce moment "Oui ok on a compris elle termine sa vie dans un bordel, arrêtons là massacre visuel !"La spectateur d'un film est comme ce journaliste qui veut écrire un article sur Saartjie et qui est déçue d'apprendre qu'elle n'est pas une princesse et qui lui demande la permission de l'écrire quand même car cela se vendrait au mieux auprès des lecteurs...Le specateur quelque soit le sujet a besoin de voir un beau film et je pense sincèrement que Kéchiche aurait du opter pour le documentaire car les images d'archives qui suivent le générique de fin et qui montrent entre autre les cérémonies qui ont entouré le retour de la dépouille de Saartjie en Afrique du Sud ont fourni le supplément d'âme qui manquait au film. D'ailleurs il est dit à ce moment là "Nous ne pouvons pas réparer le mal qui lui a été fait", peut-être était-ce l'ambition de Kéchiche, mais beau film aurait été tout aussi bien.Le film manque de noblesse et à mon avis le sujet n'était pas (encore ?) adapté au cinéma de Kéchiche.Chaque réalisateur à sa touche, sa marque de fabrique, cela ne signifie pas qu'il ne puisse pas faire autre chose, mais vouloir traiter tous les sujets de la même manière est une grave erreur. Malgré mon évidente déception, je ne serai pas juste si je n'accordais pas une mention spéciale à Yamina Torres dont c'est le premier rôle au cinéma et qu'une meilleure direction aurait pu enrichir, mais je salue sa performance car il n'est pas facile ni donné à tout le monde d'entrer dans la peau d'un tel personnage.