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Calixthe Beyala-Nicolas Sarkozy: le clash.

Publié le 30 octobre 2010 par Menye Alain
L’écrivaine française Calixthe Beyala, a taillé au président Sarkozy, un costume pour l’hiver dans les colonnes du célèbre quotidien camerounais, Le Messager. Journal créé par l’excellent journaliste décédé récemment aux Etats-Unis, Pius Njawè, grand patriote camerounais… Allain Jules - Calixthe Beyala-Nicolas Sarkozy: le clash.Elle s’appelle Calixthe. Calixthe Beyala. De père Bangoulap dans le Ndé et de mère Eton dans la Lékié, cette amazone de la littérature d’expression française est une écrivaine qui dérange, car elle dit tout haut ce que les peuples opprimés pensent tout bas. Candidate malheureuse à la Francophonie, elle crie dans cette interview son mal-être face à une Afrique marginalisée par une France hypocrite qui prône la démocratie tandis qu’elle impose la dictature à la Francophonie. Calixthe Beyala-Nicolas Sarkozy: le clash.Le Messager : Bonjour Madame Beyala. Commençons cet entretien par la fin : Qu’alliez vous faire dans cette galère appelée Francophonie ?

Calixthe Beyala : Vous avez raison, diantre ! Que suis-je allée faire dans cette galère ? Mais la Francophonie dans son acception première telle que conçue par mes confrères est une organisation noble, plaidant pour la langue française, la fraternité, la solidarité entre les peuples, les valeurs humanistes. Le mot a d’ailleurs été inventé au XIXème siècle par Onassis Reclus géographe et écrivain qui disait que « la langue est identité ; qu’à travers elle, il n y a plus de race, de religion, sauf la langue qui unie les peuples en un tout indissociable.

Le Messager : Si nous enlevons le vernis de cette institution, que verrons-nous derrière les lambris dorés ?

Calixthe Beyala : C’est cette francophonie ci-dessus décrit qui explique que je sois entrée dans ce que vous surnommez à juste titre « galère ». Mais je ne quitterai pas cette galère tant que les valeurs humanistes et universelles qui sont le socle de la Francophonie continueront à être bafouées… car derrière le vernis de cette institution, il y a certainement des choses, j’ignore quoi… La France Afrique à la Foccardienne ? Des intérêts mafieux ? Des copinages et des accointances financières ? Autant de questions qui méritent d’être posées. Il doit tout y avoir à l’intérieur, à l’exception de l’intérêt des peuples Francophones. Puisqu’il s’agit là d’une institution qui n’est pas démocratique dans son fonctionnement, ni humaniste dans ses agissements. Ceci explique pourquoi je continuerai à me battre jusqu’à ce que la Francophonie retrouve ses objectifs nobles.

Le Messager : Que vouliez-vous faire ? Secouer le cocotier ? De quelles atouts disposiez vous face à la superbe d’un Abdou Diouf présenté comme politiquement correct ?

Calixthe Beyala : De quel atout disposais-je ? La sincérité. Un programme plébiscité par les peuples francophones. Un objectif noble. Une intégrité morale.

Le Messager : A la conférence internationale de Yaoundé, Africa 21, vous avez fait du lobbying sur votre candidature. Vous avez obtenu une dizaine de minutes d’entrevue avec le chef de l’Etat gabonais, Ali Bongo.

Calixthe Beyala : Oui, j’ai commencé mon lobbying au Cameroun, j’ai rencontré plusieurs Chefs d’Etats Africains favorables à ma candidature, car il leur apparaissait nécessaire de faire jouer l’alternance démocratique. Et selon des indiscrétions, durant le huis-clos, 12 chefs d’Etats ont soutenu ma candidature, ce qui est énorme ! C’est le Président Sarkozy qui s’est opposé à mon élection et non les Chefs d’Etats Africains permanemment accusés par l’Occident d’être des dictateurs, des voleurs, des corrompus et j’en passe ! Diouf a été imposé par Nicolas Sarkozy et ses amis hommes d’affaires. Curieux que des Hommes d’affaires s’impliquent dans ce type d’élection.

Le Messager : Les mêmes démarches auraient été entreprises pour rencontrer Paul Biya. Apparemment en vain. Otez-moi d’un doute : c’est vrai que le président Biya ne vous a pas soutenu ? Aurait-il dû le faire ?

Calixthe Beyala : Je n’ai jamais fait de démarche auprès du Président Paul Biya afin qu’il me reçoive, car contrairement à ce que beaucoup pensent, un écrivain est d’abord un homme politique ! Et stratégiquement je savais que cette démarche aurait dédouané le Président Sarkozy qui se serait dépêché de me faire comprendre que le Cameroun refusait de me présenter. Je savais en amont que la France seule décidait du destin de la Francophonie. Cela s’est passé ainsi avec Boutros Ghali imposé par Chirac et avec Diouf ! Les africains dans cette histoire n’ont aucune responsabilité, ils sont en faiblesse car on leur rétorque que c’est la France qui paie.

Le Messager : Et le président Sarkozy alors ? Vous êtes quand même française ! Avez-vous senti un courant de sympathie française autour de votre candidature ?

Calixthe Beyala : Concernant mes relations avec Sarkozy, elles sont ambiguës, je l’avoue. EN 2000 en tant que député maire de Neuilly, il a été le premier des responsables politiques, voire l’un des seuls à m’avoir écrit pour soutenir l’action des Noirs, leurs revendications ! En tant que candidat aux élections présidentielles, nous nous sommes rencontrés et il me disait être prêt à mettre en place un système de discrimination positive pour favoriser l’accès des noirs à des postes de responsabilité, d’ailleurs, il est venu déjeuner avec l’ensemble des membres du Club Elite que je préside. Depuis qu’il est élu, il y a le fameux discours de Dakar, par la suite, des anathèmes jetés çà et là sur les Noirs, les Arabes, puis ces jours–ci les attaques se sont dirigées contre nos plus jeunes enfants, à savoir « que les petits noirs et arabes sont dès la maternelle, des communautaristes » mais encore « Les petits chinois réussissent mieux à l’école que les noirs et les arabes » ; ce qui laisse supposer que le nègre n’est pas intelligent. Enfin, vous êtes sans ignorer les déclarations racistes du parfumeur Guerlain contre l’ensemble des Noirs. Aucun politique français ne s’est insurgé contre ces injures. Il flotte dans l’air un consensus… Contre nous…je suis extrêmement en colère ; l’ensemble des français issus de quelque chose aussi d’ailleurs (rire). Nous avons des bulletins et en 2012, face au fascisme ambiant, nous ferons entendre notre voix.

Le Messager : De toutes évidences, aucun officiel français n’a fait de déclaration publique en faveur de la candidature de Diouf !

Calixthe Beyala : Oui, j’ai senti un courant de sympathie autour de ma candidature provenant des députés, des sénateurs, des hommes de la rue. Qu’auraient-ils pu faire face à Sarkozy en tant que Président ? Rien. Ils expriment simplement aujourd’hui leur déception, face à cette énorme machine Sarkozyste qui n’épargne personne.

Effectivement personne officiellement n’a soutenu Diouf ; d’ailleurs n’eût été SARKOZY, il aurait perdu ! Et la réaction mondiale des peuples découvrant que le Président Français a mis à la tête de cette Institution un homme qui selon le Rapport officiel d’Amnesty International a laissé ses militaires assassiner plus de six mille civils, y compris, femmes et enfants.

En réalité, j’ai gagné en ayant permis au peuple Francophone d’ouvrir un œil sur cette institution. Maintenant, regardons vers le futur car les familles des victimes du génocide en Casamance s’apprêtent à déposer plainte tandis que la presse française découvre l’histoire. En réalité, il n’y a pas eu d’élection, mais obligation d’applaudissement après que le Président Sarkozy ait imposé Diouf tout en promettant aux Chefs d’Etats Africains deux places au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il y a là quelque chose avec des relents de MEKA, le personnage du best-seller « Le vieux nègre et la médaille » de Ferdinand OYONO.

Le Messager : Diouf impliqué dans les massacres en Casamance ? C’est un peu fort de café non ?

Calixthe Beyala : Il ne s’agit pas d’information mais d’un Rapport d’Amnesty International, faisant état de plusieurs milliers de morts durant la présidence d’Abdou Diouf au Sénégal. Femmes enceintes éventrées, enfants enterrés vivants. Vous pouvez accéder à ce rapport en allant sur le site de cette organisation. Les accusations sont fondées, mais cela ne met nullement DIOUF à l’ abri d’une poursuite, ou du moins les personnes de bonne volonté se battent pour que justice soit faite. Cela prendra du temps, certes, mais le temps de cette justice viendra.

Le Messager : A plus de 75 ans sonnés, que peut-il encore apporter à la Francophonie ? A quoi sert d’ailleurs celle-ci ? Les peuples francophones se reconnaissent-ils encore en cette institution sommes toutes mystérieuse ?

Calixthe Beyala : A 75 ans, Diouf peut toujours apporter son soutien à ses amis, rien au peuple francophone. Oui, les peuples francophones ne se reconnaissent pas dans cette Institution, ils ont raison au vue de la manière occulte entourant sa gestion, à l’odeur de soufre qui entoure son actuel Secrétaire général. Cette organisation est discréditée ; c’est dommage ! Car l’intention de départ était bonne et je sais que nous finirons par gagner.

Le Messager : Calixte Beyala est bon an mal an au centre de l’actualité. C’est vous qui choisissez cette posture ou c’est l’actualité qui vous colle à la peau ? Etes-vous une provocatrice ?

Calixthe Beyala : Provocatrice, moi ? Jamais ! Combattante ? Certainement ! Pour ceux qui n’ont pas la parole, pour ceux qu’on piétine, pour ceux qu’on dépouille de tout, même de leur dignité ! Oui, avec moi, les meurtriers ne sauraient dormir du sommeil de brave ! Les organisations ne sauraient être détournées de leur mission… Provocatrice, moi ? Je prends si rarement la parole, mais me dit-on, elle est forte, c’est tout ! Oui, je prends rarement la parole, mais de manière très justifiée, ce qui provoque à chaque fois un scandale.

Le Messager : Quel est votre prochain cheval de bataille ?

Calixthe Beyala : Mon prochain cheval de bataille ? Toujours les mêmes, à savoir la Francophonie, le respect des droits de l’homme et des valeurs humanistes, peut-être les prochaines élections présidentielles en France ? Je sais que je suis une cible qui paraît à priori facile pour les racistes et les misogynes, mais je crois qu’à force de me fréquenter ou de me provoquer, ils se rendent compte que je suis une femme au mental d’acier. Peu à peu, chacun recule… les coups bas, on ne me les donne plus qu’à l’ombre cachée des persiennes ! Je sais me défendre comme vous avez pu le constater en plus de vingt ans de carrière

Le Messager : Alors la « Petite fille du réverbère » que vous auriez pu devenir comme tant d’autres natives de New Bell, ce coin chaud de Douala au Cameroun semble être en représentation permanente.

Calixthe Beyala : J’ai eu une chance extraordinaire dans ma vie, moi qui ne suis nullement une femme qui aime forcément à fréquenter les palais.

1° le poète Aimé Césaire avait demandé à me rencontrer en tête à tête quelque temps avant sa mort. Il me parla pendant plus de quatre heures des combats à mener, des difficultés qu’il avait rencontrées, celles que je rencontrerai sur le chemin au vue de mes choix.

2° le président EYADEMA eut la même attitude, six mois avant sa mort. Il me fit comprendre des menaces dont il avait été victime à chaque fois qu’il se décidait à prendre des décisions pouvant améliorer les conditions de vie de son peuple.

3° Il en fut de même du Président Gabonais OMAR BONGO à quelques mois de sa mort. Il voulut me parler et pendant des heures ce qui s’était passé pour le continent depuis avant les indépendances jusqu’à nos jours. Pourquoi nos pays n’étaient pas aussi développés que nous nous en attendions. Ce vieil Homme me fit de la peine ; tout n’était pas de sa faute, loin s’en faut. Je compris alors le mécanisme insidieux qui liait l’Afrique au reste du monde. Un jour, j’écrirai sur ce sujet à partir des propos de ces trois grands Hommes.

Le Messager : Une certaine diaspora est très courtisée en ce moment au Cameroun, tandis qu’une autre qualifiée d’activiste est vilipendée. Le Cameroun a-t-il mal à ses diasporas ?

Calixthe Beyala : J’ignore si une certaine diaspora est courtisée en ce moment ; dans cet univers mondialisé, où la gestion de certains pays d’Afrique se déroule à Paris ou à Washington, j’essaye de rassembler et non de diviser. J’essaye d’éviter des sujets qui braqueront les Africains les uns contre les autres, car in fine, du Président Africain au balayeur de la rue de Dakar, nous sommes à tous les niveaux, les dindons de la farce ! Aucun Président Africain n’a souhaité la dévalorisation du franc CFA qui a contribué à affaiblir le pouvoir d’achat des peuples en zone francs ! Aucun d’entre eux n’a cautionné la baisse des prix des matières premières ! Cette réflexion n’est pas racialiste de ma part, car les petits peuples souffrent au niveau mondial qu’ils soient blancs, noirs ou jaunes ! Ce qui explique pourquoi, je préfère attaquer les problèmes par leurs racines, c’est – à –dire depuis l’Occident où quelques individualités concentrent tous les pouvoirs. Ce n’est qu’en restant solidaire les uns des autres que nous sortiront un jour de cette énorme « Galère » générale.

Le Messager : Le droit de vote, la double nationalité etc.…autant de questions qui fâchent et que le pouvoir de Yaoundé refuse d’aborder. Quel est votre position par rapport à ces revendications de la diaspora camerounaise

Calixthe Beyala : Quant à double nationalité, je l’appelle de tous mes vœux, car à tout moment, n’importe quel citoyen franco-camerounais pourrait perdre sa nationalité française et devenir un apatride. Il est un devoir pour son pays d’origine que de le protéger. J’espère que le Gouvernement Camerounais prendra cette décision protectrice pour ses enfants.

Je m’étonne néanmoins car autrefois, les femmes Camerounaises ayant acquis une autre nationalité par mariage, conservaient également leur nationalité Camerounaise. Est-ce toujours vrai ? Espérons. Je tiens enfin à remercier les millions d’Africains, Canadiens, Suisses, Français ou Belges qui m’ont soutenu, et qui me disent continuer à le faire en toute circonstance, ce qui prouve que l’homme appartient plus à son époque qu’à son père. Ce qui prouve d’une certaine manière que la notion de fraternité entre les peuples n’a jamais été aussi forte qu’en ce début du troisième millénaire.


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