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Un balai devant la porte

Publié le 01 novembre 2010 par Sophiel

sorciere balai La petite fille sort de l’école, heureuse. C’est le week-end, pas de devoirs, un anniversaire chez une copine, cette fin de semaine s’annonce radieuse.

Elle lève les yeux, cherche du regard celui de sa maman, perdu dans cette foule de parents et…HORREUR, tombe sur celui de l’Autre.

Elle s’arrête net, n’ose franchir la grille de l’école tout à coup si protectrice, recule de quelques pas quand une voix autoritaire l’interpelle : « Hé toi ! Viens par ici ! C’est ta mère qui m’envoie ! »

Les mères s’écartent, cédant le passage à un balai monté sur jambes, aussi droit que raide.

La honte ! Mille paires d’yeux font l’aller-retour entre la petite fille et le balai. On la regarde, peiné, compatissant, on amorce un geste pour finalement baisser les yeux et taire l’élan qui nous pousse vers elle.

-   Si tu veux, tu peux rester à l’étude, glisse l’institutrice en voyant le balai avancé d’un pas décidé.

La tentation est grande… Tout plutôt que de subir les « Tiens-toi droite, lave-toi les mains, tais-toi, fais tes devoirs !... »

Non, elle ne cèdera pas, elles vont rentrer à la maison, l’une derrière l’autre.

Pourvu qu’elle ne la touche pas ! Rien qu’à l’idée que sa main puisse lui effleurer l’épaule la tétanise de dégoût…

Le balai ne salue personne, elle marche droit devant elle, la pousse :

-   Marche plus vite il va pleuvoir, j’ai pas envie d’être trempée à cause de toi !

La petite fille croise la voisine qui lui dit en désignant le balai du menton :

-   Ben dis-donc, t’as dû en faire de belles pour mériter ça !

Elles pénètrent dans la maison, le balai, qui ne prend pas la peine de s’essuyer les pieds, vocifère :

-   Essuie-toi les pieds ! Range tes chaussures ! Lave-toi les mains ! Attache-toi les cheveux, tu as l’air d’une souillon ! Rejoins-moi au salon !

Pas de goûter, bien entendu, cela coupe l’appétit pour le dîner…

Le balai l’attend, assise sur le canapé, grignotant des « Petits Ecoliers » au chocolat noir, maculant le sol de miettes éparses. Elle a préparé vingt-quatre additions, douze multiplications et neuf divisions.

-   J’ai pas encore appris les divisions…

-   Et alors ? Comme ça t’apprendras ! Tais-toi et travaille !

Le temps est immobile. Surtout, ne pas la regarder…

La porte claque soudain : « Me voilà ! Je suis partie plus tôt que prévu ! Chérie… Tu aurais pu t’essuyer les pieds avant d’entrer, il y a de la boue partout ! »

Le balai se lève, enfile son manteau et empoche l’argent dans un vague bougonnement.

-   Je ne sais pas ce que je ferais sans vous ! s’exclame la maman reconnaissante, puis se tournant vers la petite fille, tu dis au revoir ?

-   Au revoir Madame.

Puis, pour elle seule :

- Du balai, le balai !

Qui a dit que les sorcières n'existaient pas???


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