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(2) Ne jamais se fier aux apparences

Publié le 01 novembre 2010 par Luisagallerini

Je remarquais aussi, à diverses reprises, qu'ils étaient plus méfiants que d'habitude. S'ils se doutaient que j'en savais plus qu'il n'y paraissait, que je leur cachais quelque chose, j'étais devenue une présence encombrante. Ils ne pouvaient pas s'assurer que je ne vérifierais pas par moi-même que nos découvertes étaient bien arrivées à bon port, à Boulâk au musée du Caire, ou à Paris. Bien sûr, rien ne les empêchait d'inventer un nouveau mensonge, comme un malencontreux accident lors de la livraison. Mais plus j'y songeais, plus j'étais convaincue que je représentais un danger pour eux. Si l'on ajoutait à cela que je n'avais rien à leur apporter en dehors de mon savoir-faire dans la dissection des momies, qui, il est vrai, était bien supérieur au leur, je pouvais aisément en déduire que j'étais en sursis. Car il était indéniable qu'ils avaient besoin de moi pour analyser les corps, sauf s'ils décidaient de les broyer sans jamais en connaître les secrets, ce qui semblait fort improbable, leur cupidité n'ayant d'égale que leur curiosité morbide. Quel que fût leur dessein, il me fallait quitter rapidement le Caire, d'autant que je n'avais nulle confiance en Saïd ou dans le maître d'hôtel.

(2) Ne jamais se fier aux apparences

Quand je traversai le hall, pensant que Louis était rentré, je constatai que Guy et Henri étaient partis. En descendant l'allée, j'aperçus de loin un homme qui agitait les bras en hurlant. Je m'approchais prudemment quand je reconnus Ahmed, le visage en sang. Trois hommes, qui travaillaient d'ordinaire dans les cuisines de l'hôtel, le maintenaient fermement. Devant lui, Guy riait, les boutons de manchette défaits. " Pas un cent de plus ! Tes malédictions ne font peur qu'aux femmes, jamais tu ne récupèreras les momies ! ", puis il partit d'un rire aigu qui m'arracha un frisson. Ahmed fut jeté comme un sac derrière les grilles de l'hôtel. Il se releva avec peine, empoigna les barreaux comme un condamné et poussa un hurlement à vous glacer les sangs. Comment était-il possible que Guy fît preuve d'une telle cruauté ? Il attrapa de ses mains aussi fines que celles d'une femme le col du malheureux et le tira violemment contre la grille, lui écrasant le visage sur le métal rouillé. Il ne relâcha sa prise qu'aux supplications d'Ahmed qui s'écroula, laissé pour mort. Terrorisée, je rentrai à l'intérieur du bâtiment. Malgré sa carrure chétive et son air jovial, Guy avait fait preuve d'une force et d'une férocité redoutables.

Le hall était vide, je me dirigeai vers l'accueil où je trouvais Henri conversant avec un homme que je ne connaissais pas. Quand il me vit, son visage s'illumina et en quelques mots, il congédia son hôte. " Vous arrivez à temps, vous êtes mon ange gardien ! s'exclama-t-il. C'est encore ma mère qui me cause bien des soucis ! Même au-delà des mers, c'est incroyable. ". Il prit mon bras - je me sentais si vulnérable à ses côtés ! - et nous nous dirigeâmes vers les appartements de Louis. La séance de débandelettage avait été, pour une raison que j'ignorais, avancée en début d'après-midi.

Louis et Guy, qui nous attendaient sur place, époussetaient les momies et rassemblaient les instruments. Ils avaient fixé d'épaisses planches de bois sur la lucarne d'aération pour qu'aucune lumière ne pénétrât dans la salle de travail. Plusieurs lampes à huile avaient été suspendues au plafond et réparties dans la cave, qui paraissait ainsi presque lumineuse. Avec toutes ces flammes qui sautillaient dans l'obscurité, j'avais l'impression que nous allions assister à une cérémonie de magie noire. Les joues rosées et légèrement essoufflé, Guy avait remis ses boutons de manchette. Rien ne transparaissait de la scène à laquelle je venais d'assister. Assis sur une chaise pliante, un registre à la main, il s'apprêtait à prendre en note le déroulement de la séance. Henri et Louis, positionnés chacun à une extrémité de la table, maintenaient les épaules et les pieds de la dépouille.

La séance de débandelettage approche...

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