Paillettes, éthique et Marty MacFly (suite)

Publié le 02 novembre 2010 par Kevinades

  Suite du post d'hier : Paillettes, éthique et Marty MacFly (1)

Souvenez-vous, nous avons voyagé dans le temps afin de voir à quel point le corps enseignant incarne magnifiquement la notion de vertu. Un second bond  temporel nous amenait alors durant mon premier mois devant une classe. C'est là que Kevin entre en scène, c'est maintenant que mon éthique, puisque c'est le sujet qui nous préoccupe, va être testée d'une manière pour le moins inattendue.

   Une première classe, on ne va pas se mentir, ça fout quand même bien la pression. Du coup, faut vite les  mater ces graines de racailles avant qu'ils ne vous sautent à la carotide. Par stratégie, je décide donc vite de laisser de côté l'image d'épinal de l'instit bienveillant et doux, on n'est pas dans Etre et Avoir.

   Mon plan c'est de passer en mode commando, en légionnaire de l'instruction. Faut que ça file droit! Mon premier acte est par conséquent de faire un exemple afin de rappeler clairement et définitivement qu'ici le boss, c'est Bibi. De quelle manière parvenir à cet objectif? La méthode est simple et à la fois efficace: en harcelant moralement le premier élève à poser problème afin de le briser psychologiquement. L'élève ainsi humilié, en plus de s'attirer les moqueries de ses petits camarades, leur rappellera à chaque instant les subtilités de la loi du plus fort.

   Attention à tous les collègues, en particulier aux débutants, quand vous décidez de faire un exemple en abusant de votre autorité dans la classe, quelques précautions s’imposent :

- Premièrement, ne vous attaquez pas à un élève trop populaire car vous en feriez un martyre, avec le risque de retourner la classe contre vous.

- Deuxièmement, ne prenez pas non plus pour cible un élève trop fragile, on n'est pas des monstres quand même. Et puis accessoirement ça pourrait vous attirer des ennuis.

- Enfin,  il ne faut jamais se frotter au gros dur de la classe, celui qui est déjà pratiquement aussi grand que vous et qui boit des bières le soir en bas de chez lui. Avec un tel énergumène vous risquez d’échouer  lamentablement, ruinant ainsi à jamais votre crédibilité et vous mettant dans une posture difficile pour le reste de l'année.

   Non, faites plutôt comme moi, choisissez une fille pas vraiment méchante mais un peu bavarde. Vous n’avez alors guère à vous forcer pour l’intimider, voire avec un peu de chance à la faire pleurer (ça vaut bien le double de points). Ainsi les autres y réfléchissent à deux fois avant de la ramener et vous vous assurez une année sereine. Génial non?


   C’est donc cette stratégie que je décide d’appliquer dans l'histoire qui nous occupe. La fougue de la jeunesse aidant, ce n’est pas à une pauvre gamine que je m’attaque mais  à deux, appelons-les Kevin (puisque je vous dis que ça marche aussi). Elles sont voisines,  gentilles, mais bavardes, trop bavardes… Des proies faciles je dois bien l'admettre. Mais seul contre tous, il me faut frapper un grand coup. 

   Avec le recul je n'en suis pas très fier. J’ai honte rien que d’en parler. Mais à ce moment précis, je n'hésite pas pour les briser à utiliser l’arme disciplinaire quasi absolue à l’école primaire… La sanction ultime qui leur laissera des séquelles irréversibles. Je… Je les… Je les sépare et je les change de place !  Oui je sais, ça va loin. Je sais que je choque certainement beaucoup d’entre vous mais tant pis, j’assume mes actes.

   Bien évidemment les autres élèves voient tout de suite qui  est le patron , ce qui sauve mon année !

   Le lendemain, alors que je crois ma victoire acquise haut la main, les deux jeunes filles viennent me voir, l'une des deux tient une enveloppe… C’est bien ça, je me dis qu’elles ne sont pas rancunières et qu’elles viennent gentiment m’apporter l’argent des photos de classe.

Que nenni. En fait elles viennent tester mon éthique professionnelle (oui, on y arrive enfin).

Moi : − C’est l’argent pour payer les photos de classe les filles ?

Elles : − Ah non maître, ça c’est pour toi !

   Ah, un dessin, comme c’est adorable, elles s’avouent vaincues et s’inclinent devant mon autorité, une nouvelle victoire pour... Mais non, j'ouvre l’enveloppe pour admirer le chef d’œuvre et j’en sors... un billet de dix euros. Je suis un peu perplexe…

Moi : − Vous me dites que ce n’est pas pour les photos ? C’est pourquoi alors ?

Elles : − Ben, maître, c’est pour toi, pour qu’on retourne ensemble à nos places d'avant!

………………………… ?§ !*%/. (Court mais intense bug cérébral)……………………………

   Nan mais vous imaginez ça vous ! Deux gosses de dix ans à peine, venir me voir, me proposer à moi un billet de dix euros en échange d’un service ! Ben merde alors!

   J’ai une certaine éthique moi quand même (voir post précédent). Dix euros ! Un pauvre et malheureux petit billet de 10! Faut vraiment s’appeler Kevin pour ne pas deviner que mon intégrité en vaut au moins vingt !