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Jimena

Publié le 02 novembre 2010 par Banalalban

Lucia fut réveillée par la rumeur dans la rue. Il était dans les quatre heures du matin. Ce ne fut pas un réveil serein ou un réveil qui s’établit dans le temps, pas un de ces réveils, non. Il est des réveils longs qui se veulent inscrits dans la durée, durée nécessaire à la disparition de ces cotons brumeux et délicats qui nous rattachent encore aux mondes étranges des rêves et des allégories. Réveils qui se veulent doucereux dans les bras de l’autre, qui se veulent paisibles, qui se réclament presque chantés même quand parfois seuls. Il y a des réveils qui se font presque au piano, l’air s’y reposerait que l’on n’y verrait aucun inconvénient, à peine un grognement. Le bruit d’une mouche également, le rayon de soleil qui transperce les volets encore clos et qui éclate sur la paupière close en phosphènes. Des réveils qui s’opposent aux furies et aux histoires de la veille. Il y a même des réveils qui nous replongent dans le sommeil, des sortes de réveils mutins qui nous invitent à dire « pas encore », un plaisir certain en sourire sur les lèvres et les paupières rendues closes par ce ciment inavouable de la chassie sèchée par la nuit. Il y a des réveils si agréables qu’ils sont accueillis avec tendresse et chaleur, celle des draps en l’occurrence.

Le réveil de Lucia ne fut pas celui des métaphores et du calme.

Bien au contraire.

Il fut celui de la peur qui commençait.

Tout d’abord parce que les évènements des semaines précédentes et plus particulièrement de la veille, avaient annoncé ce qu’il serait et que le sommeil ne fut pas, en conséquence, de tout repos pour Lucia. Il y avait eut, bien sûr, le coup d’état qui avait saigné la ville, une semaine plus tôt, et ces premiers bombardements au matin. La prise de la ville par l’armée avait été une première terreur. Mais le pire restait à venir, et les rumeurs allaient bon train. Le couvre-feu instauré ne suffisait pas à les faire taire. La répression et les sanctions allaient pleuvoir, pour sûr. Les groupuscules militants se faisaient l’écho de ses représailles. Les contestataires allaient être punis.

Il y eut des nuits terribles, déjà.

Le réveil de Lucia commença donc alors même que sa sérénité s’effaçait c’est à dire à l’instant même où les premiers coups de feu retentirent dans la ville.

Bien que sa première pensée fût pour Audberto, elle s’avisa vite et ravala cette idée en la tournant immédiatement vers la petite Jimena qui dormait encore à ses côtés. En diversion.  


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