I.- Nous nous en voulons d’avoir qualifié ce 2 novembre, dans l’article précédent, de « jour des morts » - titre que nous nous sommes donc empressés de corriger. Ce repentir vient de la consternante lecture de feuilles publiques comme Le Figaro, où l’on lit les propos d’une certaine Nadine Beauthéac, psychothérapeute, affirmant avec la docte assurance que nous aimons à trouver chez nos sorciers modernes - “philosophes” et spécialistes en tous genres : « Il faut créer du sens dans ce moment de non-sens qu’est la mort ».
Parler en ce jour de « fête des morts », en effet, est, dans le climat actuel de paganisme et d'autisme métaphysique, un contresens théologique. Laissons cela aux réducteurs de tête et à leurs clients.
Qu’est-ce que vivre, et qu’est-ce que mourir pour un chrétien ? Vivre, c’est être ouvert à Dieu, dans la réception de sa grâce, dos tourné à la mort du péché. Etre mort, c’est Lui être fermé. La Vie est la condition de qui marche sur le Chemin qui conduit à la contemplation de la Vérité, face à face, dans la béatitude éternelle. La mort est la condition de qui a rompu avec les sources d’eau vive, s’enfermant soi-même jusqu’à cette séparation éternelle qu’est l’enfer.
L’Eglise - pour ce qui est de l'au-delà - ne prie pas pour les morts. Elle ne prie que pour les vivants. Aussi parle-t-elle en ce jour des « fidèles » défunts : ceux des défunts qui, en dépit des accidents parfois terribles de cette existence, de ses tentations et de ses doutes, sont demeurés dans la foi vive, fidèles par grâce de miséricorde.
"Les âmes des justes sont dans la main de Dieu. Et nul tourment ne les atteindra. Aux yeux des insensés ils ont paru mourir, leur départ a été tenu pour un malheur et leur voyage loin de nous pour un anéantissement, mais eux sont en paix. S'ils ont, aux yeux des hommes, subi des châtiments, leur espérance était pleine d'immortalité; pour une légère correction ils recevront de grands bienfaits. Dieu en effet les a mis à l'épreuve et il les a trouvés dignes de lui; comme l'or au creuset, il les a éprouvés, comme un parfait holocauste, il les a agréés. Au temps de leur visite, ils resplendiront, et comme des étincelles à travers le chaume ils courront. Ils jugeront les nations et domineront sur les peuples, et le Seigneur régnera sur eux à jamais. Ceux qui mettent en lui leur confiance comprendront la vérité et ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans l'amour, car la grâce et la miséricorde sont pour ses saints et sa visite est pour ses élus" (Sagesse, 1, 3-9).
II.- Comme la fête de la Toussaint, cette fête du 2 novembre est essentiellement une fête de la vie, du triomphe de la vie sur les puissances de la mort, de la grandeur de Dieu dont les desseins sur le monde n’échouent pas. Une fête de l’espérance théologale, aussi, puisqu’elle exprime notre espérance que nos êtres chers soient de ce « Nombre » sacré connu de Dieu seul.
La « Commémoration des fidèles défunts » porte seulement l’accent sur une vérité adjacente : Dieu est le Saint, le Pur, le Séparé. Nul ne s’approche de sa Face qui ne soit purifié. Comment s’opère cette purification chez ces vivants pour qui nous prions ? “Séjour” en une sorte de lieu de transition entre notre monde et la Vision ? “Transpersion” par le regard du Christ ? Nul ne peut le dire. Mais nul ne peut nier - en dépit des assurances, là encore, des doctes patentés - que la foi chrétienne se soit toujours attachée à la vérité de ce fait purifiant et douloureux. Au début du 3ème siècle, sainte Perpétue racontait comment, en un songe, elle vit son jeune frère décédé délivré de ses tourments par sa propre prière.
La prière, c’est elle qu’appelle l’Eglise pour nos défunts, en nous rappelant, s’ils sont décédés dans l’amitié de Dieu, qu’ils sont des Vivants qui peuvent aussi intercéder pour nous. C’est avec cette double énergie de l’espérance que nous faisons monter nos prières pour nos êtres chers - et spécialement, en cette année, pour notre ami Mgr Jacques Masson.