Osselets (4ème épisode de Joli coeur)

Je ne devrais pas et je le refais. Et demain sera encore une journée en l’air. J’y retourne, le cœur lourd, la langue déjà sèche et le foie déglingué. Je m’enivre pour le plaisir de rechuter et puis de remonter encore et encore, péniblement. L’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide, c’est l’équivalent du mythe de Sisyphe, toujours une histoire de recommencement, de douleurs et de plaisirs.

A la fin, c’est vrai, ça m’a tout flingué. J’ai un peu trop merdé. Finalement, je n’avais pas autant de vies que je ne le pensais… Et puis, les séjours à l’hôpital, ça finit par lasser les proches. A la fin, ils vous confondent avec l’odeur de désinfectant, de naphtaline, de bouffe de cantine et des claquettes en plastique des infirmières.

- Vous ne buvez jamais, Simon ?

- Jamais pendant le service.

- C’est vrai, vous avez raison, avec tous ces cocktails qui s’enchaînent, vous deviendriez aussi alcoolique que moi.

André sourit, flegmatique, insouciant de la portée de ses paroles. Fin de journée, nous sommes assis dans son bureau. Il se ressert un verre de scotch. Il s’oublie ou plutôt oublie que je suis là. Je deviens son ombre, celle qui le voit mettre ses mains dans la poche intérieure de sa veste droite, y attraper trois osselets et y jouer aussi concentré qu’un enfant de trois ans.