Le mois de novembre est traditionnellement consacré à la dévotion à l'égard des défunts qui ont quitté ce monde dans l'amitié de Dieu - c'est-à-dire des saints, "sanctifiés" par la grâce reçue et gardée dans la persévérance finale. Infailliblement, en béatifiant ou canonisant certains, l'Eglise nous donne la certitude absolue de leur salut et de leur gloire. Pour les autres, elle nous invite à prier, dans l'espérance de leur salut, qui s'opère ultimement par cette purification mystérieuse que la théologie catholique appelle le Purgatoire.
Pour aider à l'expression de cette dévotion, nous empruntons à nos amis de primeroscristianos.com ce texte sur la dévotion des premiers chrétiens - nos maîtres et modèles - à l'égard des défunts.
Jules-Eugène Lenepveu (1819 -1898)
Les martyrs des catacombes 1855
"L'un des Vieillards prit alors la parole et me dit : « Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d'où viennent-ils ? » Et moi de répondre : « Monseigneur, c'est toi qui le sais. » Il reprit : « Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau. C'est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, le servant jour et nuit dans son temple ; et Celui qui siège sur le trône étendra sur eux sa tente. Jamais plus ils ne souffriront de la faim ni de la soif ; jamais plus ils ne seront accablés ni par le soleil, ni par aucun vent brûlant. Car l'Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux" (Apocalypse, 7, 13-17).
HONNEUR ET RESPECT
Le christianisme des premiers siècles n'a pas rejeté le culte des défunts des civilisations anciennes. Au contraire, il l’a consolidé, en le purifiant, et en lui donnant son véritable sens transcendant, à la lumière de la connaissance de l’immortalité de l’âme et du dogme de la résurrection. Le corps - qui durant la vie est “temple de l’Esprit Saint” et “membre du Christ” (1 Corinthiens 6, 15), et dont le destin définitif est la transformation spirituelle dans la résurrection - a toujours été, pour les chrétiens, aussi digne de respect et de vénération que les choses les plus saintes.
Ce respect s’est d’abord manifesté par la manière même d’enterrer les cadavres.
A l’imitation de ce que firent pour le Seigneur Joseph d’Arimathie, Nicodème et les saintes femmes, les cadavres étaient souvent lavés, oints, enveloppés dans des linges imbibés d’aromates, puis placés ainsi avec beaucoup de soin dans un tombeau.
Dans les Actes du martyre de saint Pancrace, on lit qu’il fut enseveli « après avoir été oint de parfums et enveloppé dans de très riches tissus », et lorsque l’on ouvrit le cercueil de cyprès de sainte Cécile, en 1599, elle était revêtue de très riches vêtements.
La piété et le culte des chrétiens pour les défunts n’étaient pas seulement manifestés par la préparation soigneuse du cadavre ; la sépulture matérielle était également un expression éloquente des mêmes sentiments. Ces sépulcres étaient ornés de fleurs et des parfums étaient répandus sur les tombes des êtres chers.
LES CATACOMBES
Au cours de la première moitié du deuxième siècle, après avoir bénéficié de quelques concessions et donations, les chrétiens commencèrent à enterrer leurs morts sous terre. Ce fut l’origine des catacombes. Nombre d’entre elles furent creusées et agrandies autour de sépultures familiales dont les propriétaires, récemment convertis, les ouvrirent à leurs frères dans la foi plutôt que de les réserver à leurs familles.
Au cours du temps, les zones funéraires s’élargirent, parfois à l’initiative de l’Eglise elle-même. C’est le cas typique des catacombes de saint Calixte : l’Eglise assuma directement son administration et son organisation, sur un mode communautaire.
Lorsque les Empereurs Constantin et Licinius promulguèrent l’édit de Milan, en février 313, les chrétiens ne furent plus persécutés. Ils pouvaient librement professer leur foi, construire des lieux de culte et des églises, dans et hors des murailles de la cité, acheter des lopins de terre, cette fois sans risque de confiscation. Toutefois, les catacombes continuèrent d’être utilisées, comme des cimetières réguliers, jusqu’au début du 5ème siècle, lorsque l’Eglise procéda aux enterrements exclusivement dans le voisinage ou à l’intérieur des basiliques dédiées à des martyrs importants.
La vénération des fidèles portait cependant principalement sur les tombes des martyrs. Ce fut autour d’elles que naquit le culte des saints. Toutefois, ce culte très spécial pour les martyrs ne supprima pas la vénération vouée aux morts en général. On pourrait même dire, d’une certaine manière, qu’elle s’en trouva renforcée. En effet, dans l’esprit des premiers chrétiens, le martyr, victime pour sa fidélité inébranlable au Christ, faisait partie du cortège des amis de Dieu, qui jouissaient de la vision béatifique depuis le moment même de leur mort : quels meilleurs protecteurs que ces amis de Dieu ? C’est ainsi que les fidèles voyaient les choses, qui mirent toujours leur honneur à reposer après leur mort auprès du corps de certains de ces martyrs, fait qui reçut le nom de sépulture ad sanctos.
De leur côté, les vivants étaient également convaincus de ce qu’aucun hommage envers leurs défunts ne pouvait être comparé au fait d’être enterré sous la protection des martyrs. Ils considéraient qu’ainsi était assurées non seulement l’inviolabilité de la sépulture mais aussi une intercession et une aide plus efficaces du saint. C’est pourquoi les basiliques, et les églises en général, finirent par devenir de véritables cimetières, ce qui contraint bientôt les autorités ecclésiastiques à y y imposer des limites.
(à suivre)