Emportée par un panneau publicitaire qu’emportait le vent.
Nathalie Pages vécut sa dernière heure, en pensant au taf.
Ses dernières paroles : « mais si, j’ai le temps de doubler. »
C'est la veille de passer son permis poids lourd qu'elle fut mortellement renversée par un scooter.
Les cheveux bien attaché par une broche, et l'élastique, mal fixé au viaduc.
Plus qu’un chapitre, plus de batterie : elle brancha le livre, qui glissa dans son bain.
Ses dernières paroles : « ah oui ? c’est un sens interdit ? »
On réforma l’assurance chômage. Chaque jour elle tendit la main aux passants. Les passants passèrent. Mains vides elle
trépassa.
En haut des escaliers, elle glissa sur son carnet de santé.
Ses dernières paroles : « ça capte pas ici je vous rappelle. »
Elle n’eut même pas le temps de se dire : « j’aurais dû mettre les pneus neige. »
Plutôt que de se défendre, se débattre, Nathalie regarda en détail, comme au ralenti, les articulations noueuses de deux mains
étrangleuses.
Nathalie Pages brûlait pourtant chaque jour ce stop.
Trop endormie, Nathalie Pages ne sut pas que les anesthésistes se trompent très rarement à ce point.
Elle n’eût même pas le temps de se dire : « j’aurais dû couper les plombs. »
Ce n’est qu’en voyant le regard du conducteur du métro qu’elle regretta de s’être jetée dessous.
Il ne lui fut d’aucune utilité de nier l’évidence : « je n’ai pourtant pas le vertige. »
Après s’être mutilée, de sa main restante se trancha la gorge.
Elle voulut d’abord tuer quelques collègues, chefs principalement, mais, trop tôt, dans son sac la minuterie se
déclencha.
Le feu était pourtant vert-piéton.
Sur sa tempe comme elle l’avait vu au cinéma, Nathalie pressa la détente, espérant en fait qu’elle s’enraye. Mais l’arme était
neuve.
C’est dans son imagination qu’elle eut le temps de passer avant le tram.
Maxime au mp3, passant trop près d’un chantier mal délimité et d'une corde à la résistance mal appréciée, elle mourut entre
béton et bitume.
Pour se faire enterrer selon la cérémonie des anonymes, elle changea six fois d’identité avant de mourir de ce qui ne fut pas
diagnostiqué.
Audioguide 72 : ci-gît Nathalie Pages, voyez ses ossements devant la flèche, on les suppose siens. Pour explorer la fosse
suivante tapez 73.
Ces vingt-cinq visions des derniers instants de Nathalie Pages sont l'apocalypse personnelle de Joachim Séné, Fragments, Chutes et Conséquences, qui m'accorde ce mois-ci le plaisir d'un vase communicant chez lui. Cliquer aussi sur l'image pour la source. Qu'on se rassure quand même : Nathalie est ainsi morte de si nombreuses façons qu'il lui reste beaucoup à vivre.
... Et puis allez lire Sans de Joachim Séné, chez Publie.net. Et plus vite que ça (d'ailleurs j'y retourne)
Les participants aux vases communicants d'octobre (merci Brigitte, notre fée!):
Anne Savelli http://fenetresopenspace.blogspot.com/ et Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/
Pierre Ménard http://www.liminaire.fr/ et Daniel Bourrion http://www.face-terres.fr/
Lambert Savigneux http://aloredelam.com/ et Isabelle Butterlin http://yzabel2046.blogspot.com/
Cécile Portier http://petiteracine.over-blog.com/ et Joachim Séné http://joachimsene.fr/txt/
Marianne Jaeglé http://mariannejaegle.over-blog.fr/ et Olivier Beaunay http://oliverbe.blogspirit.com/
François Bon http://www.tierslivre.net/ et Bertrand Redonnet http://lexildesmots.hautetfort.com/
Kathie Durand http://www.minetteaferraille.net/ et Nolwenn Euzen http://nolwenn.euzen.over-blog.com/
Landry Jutier http://landryjutier.wordpress.com/ et Jérémie Szpirglas http://inacheve.net/
Anita Navarrete-Berbel http://sauvageana.blogspot.com/ et Lauran Bart http://noteseparses.wordpress.com/
Juliette Mezenc http://juliette.mezenc.over-blog.com/ et Christophe Sanchez http://fut-il-ou-versa-t-il.blogspot.com/
Murièle Laborde Modély http://l-oeil-bande.blogspot.com/ et Sam Dixneuf-Mocozet http://samdixneuf.wordpress.com/
Urbain, trop urbain http://www.urbain-trop-urbain.fr/ et Scritopolis http://www.scriptopolis.fr/
Arnaud Maïsetti http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?rubrique1 et Laurent Margantin http://www.oeuvresouvertes.net/
Piero Cohen-Hadria http://www.pendantleweekend.net/ et Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com/