La lapidation* ? Pas si simple. Il faut de l'expérience. Du doigté même. On conseillera de fréquenter un centre de formation agréé, de réputation établie. En Iran de préférence. Le Pakistan n'est pas mal non plus. Le Soudan a quelques bonnes adresses. L'Arabie saoudite reste un must, mais les études y sont coûteuses. Et la réputation surfaite, bien souvent.
Pour réussir une bonne lapidation, l'essentiel comme ailleurs, c'est la qualité du meneur de revue. Un débutant se montrerait brutal. La coupable se débat toujours, surtout quand on l'extirpe de sa cellule. Elle hurle, elle gesticule, elle cherche à mordre. L'imam n'arrive pas toujours à la raisonner. Un bourreau débutant est tout de suite décontenancé. Pour maîtriser l'impie il usera d'une force disproportionnée, cognera sur des parties visibles. Une coupable trainée sur le lieu du supplice – Dieu le bénisse ! – avec un visage trop marqué d'hématomes, un nez sanguinolent, un membre brisé qui pend, ça fait mauvais effet. Le public désapprouve, toujours. Les aficionados sont très exigeants sur la qualité du spectacle. Or la qualité du spectacle, on le sait, dépend d'abord de l'état de conservation de la suppliciée. Et de sa capacité de résistance. Une créature installée dans le trou à moitié assommée sombrerait dans le coma à la première bordée de pierres. En moins de cinq minutes l'affaire serait pliée. De quoi ça aurait l'air ? La réputation de l'organisateur du spectacle – que Dieu le protège – s'en trouverait vite entachée.
Le trou justement. Il aura été creusé au préalable, bien sûr. Avec beaucoup de minutie. Le déblai de l'excavation aura été conservé à proximité, pour un grossier calage du corps une fois celui-ci fiché dans le sol. Le sertissage soigneux se fera avec du sable, prévu en quantité suffisante. Cela est capital. Il est donc très important que le trou ait été adapté à la taille de la patiente, du sur-mesure en quelque sorte : trop profond, celle-ci s'y enfouirait, on n'y verrait plus rien passés les premiers rangs ; trop peu, le buste ressortirait à l'excès. Or les textes sont formels : si l'on peut tolérer pour le supplice d'un sujet mâle que le buste reste en partie hors sol – son dandinement ou ses soubresauts au gré des lancers pourront même rehausser l'intérêt du spectacle –, cela est rigoureusement interdit avec des sujets femelles. En effet: d'une part leur hystérie naturelle les poussant à criailler plus véhémentement que les mâles, un buste dégagé leur offrirait un excès d'aisance respiratoire fort inopportun ; d'autre part, et les Interprètes de Dieu sont formels là-dessus, les projectiles aux arêtes saillantes risquant de lacérer le vêtement, pourrait alors jaillir – que Dieu me pardonne ! – une mamelle scandaleuse. On imagine l'opprobre ! Et le ricanement du Démon.
Le choix des pierres à présent. Un bourreau grossier aura tendance à choisir du gros modèle. Du lourd, proportionné à sa grosse pogne. Il commettrait une erreur. Primo les pavés massifs, trop lourds et trop volumineux, excluent les jeteurs de moindre constitution athlétique : jeunes adolescents, voire femmes pieuses, désireux tous ensemble de venger L'Eternel Miséricordieux – que Son Nom retentisse dans nos cœurs ! Quelle pitié de les empêcher d'exprimer leur amour de Dieu. Et d'édifier leur âme en participant activement à si belle action de rédemption... Deuxio, comme disait cet uléma réputé – le frère de Tariq Ramadan, peut-être ?... –, "à gros caillassage, gros fracassage". Autant dire là encore bâclage du supplice en deux temps, trois mouvements, ce qui manque de dignité. Des pierres plus petites, aisément préhensibles par toutes les anatomies, anguleuses de surcroît, représentent le compromis idéal entre un massacre abouti et une durée de cérémonie conviviale.
Que les mécréants le sachent, la lapidation c'est pas de la rigolade ! D'ailleurs on prie beaucoup. Pour l'âme des pécheurs, avant tout. Et celle des bourreaux aussi. Non ce n'est pas de la rigolade, loin de là. Mais Dieu aime qu'on fasse les choses sans rigoler. C'est pour ça qu'Il nous a instruits de la Sainte Charia. La Voie de la Fidélité. Dieu nous aime !
(Photo Amnesty International : Iran, préparation à la lapidation d'une femme condamnée pour "adultère")
* L'Iranienne Sakineh Mohammadi Ashtiani a été condamnée à mort par lapidation dans une affaire "d'adultère" et de meurtre.