J’ai, depuis une semaine, une paralysie faciale de Bell : Je ne peux pas bouger la partie droite de mon visage. Pourquoi ? Parce que le nerf facial est endommagé (c’est pas grave, pour l’instant, et normalement d’ici quelques jours ça devrait se corriger spontanément, une histoire de virus ou de bactérie, personne ne sait exactement). En théorie, au bout de dix jours tout redevient normal.
Bon, jusqu’ici, ça ne m’avait pas choquée, juste gênée (parce que ne pas pouvoir bouger l’oeil ou la bouche c’est handicapant… vive les pailles et les petites bouchées qu’on a pas à mastiquer pendant des heures).
Samedi, j’ai passé l’après-midi dans un lieu public. Vous savez les aires de jeux couvertes pour enfants où ça crie/hurle de partout. Et je n’ai pas été embarrassée non plus. Certes, je m’efforçais de corriger mon visage en déformant mes expressions vers la droite (essayer de faire un sourire qu’à droite, et ben c’est ce que je faisais, mais le résultat n’était pas là !)
J’ai pas eu l’impression d’avoir trop de regards mauvais, ni de la part des enfants, ni des adultes, malgré le fait que chéri et moi étions en pleine partie de Puissance 4 et donc en train de parfaitement délirer (et rire… Vous imaginez la face du Jocker dans Batman ? Ben c’était moi, mais juste du côté gauche). En fait, le regard des autres, je m’en fiche complètement.
Mais il y a un effet de déséquilibre permanent. Comme la partie droite du visage ne répond plus, la partie gauche sur-réagit. Ce qui augmente l’aspect « Tronchenbiais ». C’est valable au repos (un des diagnostiques de ce truc, c’est « déviation de la bouche », en gros, même si tu fais rien, ta bouche part vers le côté « mobile »
Mais, surtout, c’est quand je parle que ça ne va plus. Chéri me dit qu’il comprend parfaitement ce que je dis, mais j’ai sans cesse l’impression de « parler » de travers. Comme j’arrête pas de lui lire les chapitres de mon roman, je m’en rend compte et ça, ça me gène. Je me suis rendue compte que certains sons étaient difficiles à dire (par exemple, je ne fascine pas, je patine – celle-là m’avait fait rire – j’ai du mal à dire les é dans un mot). Plus je dois parler/lire/faire bouger mon visage plus je ressens le déséquilibre.
C’est physique et ça joue énormément sur mon moral. Comme si je portais un poids du côté gauche, mais rien à droite. Ca ne fait qu’une semaine, mais ce matin, j’ai fini par craquer mentalement. J’ai un bon moral en général, surtout en ce moment, mais je sentais tellement ma bouche partir vers la gauche sans arriver à la retenir, j’essayais sans cesse de rétablir mes lèvres vers le centre de mon visage, sans arriver à corriger du côté droit (et c’est pas faute d’essayer !) que je me suis mise à pleurer.
Chéri n’arrive pas à comprendre. Normal, je dirais. Si vous n’avez pas à penser en permanence à « symétrifier » votre visage pour paraître normal, parler normalement et sans postillonner (oui, ça aussi c’est génant), vous ne pouvez pas comprendre. Je désespère un peu (je sais qu’il faut attendre que le nerf se « répare » et que ça revient presque d’un coup), mais si jamais je restais comme ça ? Car, ce qui me dérange le plus, c’est pas le regard des autres, c’est ce sentiment d’être penchée, déséquilibrée… et ça c’est beaucoup plus dur à intérioriser que quelques regards ou répliques malveillantes d’étrangers dont je me contrefous.
C’est une affaire avec moi-même… et c’est beaucoup plus dur à gérer.
(la photo provient de l’article en anglais sur la Paralysie Faciale de Bell – à lire ici si ça vous intéresse - Non, non je ne suis pas aussi poilue que ça dans la vraie vie