La vieille dame redressa son chapeau mou, étira sa nuque quelque peu engourdie, mis en place son corsage et poussa la porte. Un homme attablé se redressa sur sa chaise, remonta la monture de ses lunettes et replaça d'un geste rapide une mèche rebelle qui lui barrait le front.
Elle sut directement vers quelle table se diriger et il n'hésita pas une secondeà lui rendre le sourire qui éclairait son visage de mamy bien mise. Elle s'assit en face de lui, comme si elle l'avait fait la veille. Pourtant, 40 ans séparait cette scène banale de celle qui lui avait précédée.
Ils se mirent à parler comme s'ils s'étaient vus le jour d'avant et leur complicité retrouvée effaça toutes ces années où chacun avait vécu sa vie. Ils se souvenaient de tout. De rien. Quelle importance ? Ils étaient bien. Le temps n'avait plus de minutes ni de secondes, il était une bouffée d'oxygène qui remplissait leurs poumons en vue d'une seconde vie.
Passé, présent et avenir se bousculaient en des mots simples : ils étaient encore en vie, sur la même terre, pour quelques années encore...