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Erri ancora

Publié le 08 novembre 2010 par Filippo Zanghi

Erri ancora

Entretien de Raphaëlle Rérolle avec Erri De Luca,
Le Monde, 6 août 2005:
Parlant de vos livres, vous dites que vous n’inventez pas. Pourquoi?
J’invente très peu, même si j’aime bien les histoires imaginées par les autres: quand vous trafiquez avec le passé, il n’est pas nécessaire de créer des personnages ou la fin d’un récit, puisque tout est déjà donné. Du coup, je suis toujours à l’intérieur des histoires que je raconte, je ne me soulève pas au-dessus d’elles. Je n’ai jamais écrit à la troisième personne, comme un chef d’orchestre dirigeant ses musiciens: je suis moi-même dans l’orchestre, changeant d’instrument en fonction des livres, tout à tour dans la peau d’un maçon, d’un jardinier, d’un alpiniste. Le chef d’orchestre, c’est la vie qui a produit cette histoire. Et le fait d’inventer des existences me semble un abus de confiance: il en existe déjà tellement, je ne vais quand même pas prendre le vice du Bon Dieu!
En revanche, j’éprouve de la gratitude pour le moment où je me souviens d’un morceau de passé, même si je n’ai pas la clef de cette mémoire: cela m’arrive à l’improviste, par bribes, comme une détonation et j’ai soudain envie de faire durer ce moment. L’écriture de Tu, mio, par exemple, a été déclenchée par la vue d’une femme dont le sourire, qui découvrait une dent ébréchée, m’a rappelé une amie d’adolescence. Je deviens le lieu où le passé fait une petite promenade, passe une deuxième fois. Mais c’est la dernière: il n’y en aura jamais de troisième, car l’écriture a ce pouvoir de s’imposer comme le format définitif d’un moment de vie, sa version officielle, en quelque sorte.

par Filippo

Erri ancora


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