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Margherita Guidacci/Tentation de saint Antoine

Publié le 08 novembre 2010 par Angèle Paoli
«  Poésie d'un jour
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Tentation 2

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TENTAZIONE DI SANT’ANTONIO

Confrontiamo
i nostri terrori, Mathis : quale vogliamo scegliere ?
Gettiamo i dadi sul sonno
della ragione e la sua sveglia.

Dormiente, come tu la temevi, essa lascia che spuntino
teste d’uccelli rapaci su corpi umani, sia invasa
di viscide ali, gusci, proboscidi, squame
e velli immondi la nostra forma umiliata.

Sveglia, nel freddo delirio che ormai conosciamo,
perfezionato nei secoli che da te ci separano,
non sentinella pigra né complice sbadata,
ma è l’artefice stessa del nostro male :

che, ordito nelle lucide camere della mente
e non più in torbide anse del sangue,
cresce in laboratorio e non nella foresta,
ha per emblema non l’animale ma la macchina,

per armi non più rostri, zanne, artigli,
ma bombe, gas, elettrodi ; per ultimo traguardo
non la profonda notte a cui scendono dèmoni e belve,
ma un gran sole mortale sul mondo scardinato.

Qualche cosa non muta
dall’antica alla nuova processione
degli incubi : la furia
con cui il male s’avventa, e la caduta
riversa della vittima. Nel suo abbandono esangue
noi ci riconosciamo :
con Antonio anche noi chiediamo aiuto
e come lui tendiamo
lo sguardo in alto, a cercare
in qualche angolo del cielo una risposta-
cosi difficilmente leggibile.


TENTATION DE SAINT ANTOINE

Confrontons
nos cauchemars, Mathis : lesquels choisirons-nous ?
Jetons le dé entre la veille
et le sommeil de la raison.

Dans son sommeil, telle que tu la redoutais,
elle permet que croissent
des têtes de rapaces sur des corps d’hommes,
que soit envahie d’ailes, de coquilles, de trompes, d’écailles visqueuses
et de toisons immondes notre forme humiliée.

Dans sa veille, dans le froid délire
qu’aujourd’hui nous connaissons,
perfectionné par les siècles qui de toi nous séparent,
ni sentinelle distraite ni complice égarée,
elle est elle-même l’artisan de notre malheur:

conçu dans les chambres éclairées de l’esprit
non plus dans les méandres bourbeux du sang,
il se développe en laboratoire et non plus en forêt,
a la machine pour emblème et non plus l’animal,

pour armes non plus becs, crocs et griffes
mais bombes, gaz, électrodes ; pour ultime horizon
non plus la nuit profonde où descendent les démons et les fauves
mais un grand soleil de mort sur le monde écartelé.

De l’ancien au nouveau cortège
des cauchemars une chose reste
inchangée : la fureur
avec laquelle se rue le mal, et la chute
de la victime renversée. Dans son abandon sans force
nous nous reconnaissons :
avec Antoine nous aussi nous crions au secours
et comme lui nous tendons
vers le ciel notre regard, y cherchant
de tous côtés une réponse ―
si difficile à lire.

Margherita Guidacci, « Le troisième cycle », in Le Retable d’Issenheim, Arfuyen, 1987, pp. 32-33-34.35. Traduit de l’italien par Gérard Pfister.

  « Le retable d’Issenheim est lié à une visite que je fis à Colmar avec deux amis allemands qui m’avaient invité à Fribourg. Le polyptyque de Grünewald me fit une impression si forte qu’il me semblait ne pouvoir en soutenir la vue. Je lui tournai le dos et me mis à regarder les tableaux de Schongauer tout autour de la grande salle du rez-de-chaussée du musée d’Unterlinden. Mais même ainsi je ne me sentais attirée que par le Grünewald qui en même temps m’effrayait. Il avait ébranlé en moi quelque chose que je devais rééquilibrer. C’est pour cela que j’écrivis le poème qui s’intitule Le retable d’Issenheim. Plus tard, je retournai à Colmar et ne regardai cette fois que le Grünewald. Je restai longtemps devant lui, sereinement. »

Margherita Guidacci



■ Margherita Guidacci
sur Terres de femmes


À l'hypothétique lecteur
→ Cumana
→ In corsa
→ 19 juin 1992/Mort de Margherita Guidacci (note bio-bibliographique)
→ (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de Margherita Guidacci (+ un extrait de Neurosuite)



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