Les deux plus importantes associations professionnelles agroalimentaires américaines (FMI - Food Marketing Institute - et la GMA - Grocery Manufacturers Association) ont annoncé le 27 octobre dernier qu'elles avaient décidé de joindre leurs forces pour combattre l'obésité - et d'installer une nouvelle information nutritionnelle en facing de tous les produits alimentaires des marques adhérentes ("fact-based, simple and easy-to-use format"). Cette initiative sera accompagnée d'une campagne de communication pédagogique d'un montant de $50 millions.
Les commentateurs y voient un mouvement tactique afin de "couper l'herbe sous le pied" de la FDA - qui est en pleine réflexion sur le même sujet et compte lancer un système d'information nutritionnelle non obligatoire à apposer aussi en facing des packs.
Le débat porte en fait sur les informations à y faire figurer:
- les organismes officiels (comme récemment encore l'Institute of Medicine) - penchent pour une information où ne figureraient que les calories, les graisses saturées, les graisses trans, les portions et le sel
- le cartouche FMI/GMA devrait inclure les nutriments "positifs" - le plus souvent rajoutés par les fabricants comme les omega-3, les vitamines, les fibres.... "In addition, details will be finalized on how to provide consumers with information on nutrients needed to build a “nutrient-dense” diet and on “shortfall nutrients” that are under-consumed in the diets of most Americans"
Nous sommes là très proche des enjeux que je soulevais il y a deux semaines dans mon analyse de la stratégie Nestlé: les groupes agroalimentaires sont en train de se positionner sur le marché des nutriments.. et ont donc tout intérêt à ce qu'ils puissent être indiqués dans le cartouche en question. Ils souhaitent donc installer cette information le plus rapidement possible - d'autant plus que le cartouche FDA n'aurait aucun caractère obligatoire (à ce jour).
Au même moment l'utilisation des aliments fonctionnels se développe (comme chez Gerber) et on voit apparaître de véritables marques BtoB d'ingrédients: la marque bio de chocolat Good Cacao créée par Be GOOD fait apparaitre sur le packaging les logos de ses ingrédients fonctionnels - NutriBERI, Life'sDHA, GanedenBC30.....
La complexité du débat est encore soulignée dans un article passionnant du New York Times du 7 novembre: "While Warning about Fat, U.S. Pushes Cheese Sales". Celui-ci montre comment un autre organisme public, financé par le US Department of Agriculture, - Dairy Management - ayant vocation à développer les ventes de produits laitiers, participe de ce qui est devenu un véritable cercle vicieux:
- la lutte menée par les organismes publics contre les graisses saturées a permis de développer les ventes de lait demi-écrémé et écrémé
- cette politique a dégagé un surplus de lait entier et de crème... qui ont été transformés en fromage
- ceci amène Dairy Management à inciter (voire à aider financièrement) les marques à inclure du fromage dans leurs recettes: aujourd'hui les américains mangent 33 livres de fromage par an... soit 3 fois plus qu'en 1970!
Nous sommes bien dans une période de transition et donc complexe - dans un pays jusqu'à présent réticent à développer des réglementations contraignantes. Tous les acteurs ont toutefois pris conscience de l'importance des enjeux de santé publique - et chacun défend sa propre stratégie. Les marques alimentaires ont toujours su s'adapter aux évolutions de la réglementation - en ayant des gammes de produits différents selon les zones géographiques. Elles sont maintenant confrontées à des enjeux nouveaux - sous forme de nouvelles questions posées par leurs consommateurs. Je vous invite ainsi à lire le second post de ce jour consacré à une autre de ces questions - "d'où vient le produit que je mange?".