Petit laid
Chapitre 4
Sympa, ce petit resto. Une vague odeur douteuse, mais sympa. La déco entre un jaunâtre type Crédit Lyonnais et un verdâtre Géant Vert est une preuve vivante de l’amour du bon goût qui doit caractériser le patron. D’après ce que j’ai vu de la ville jusqu’à maintenant, il doit compter pas mal de membres de sa famille dans le coin. Une vraie tribu. D’ici à ce qu’un de ses ancêtres ait violé toutes les grognasses de la région…
Commander à bouffer. Fait chier. Je veux bouffer, c’est tout, je veux pas choisir. Je prends la même chose qu’elle ; elle a intérêt à faire le bon choix, cette fois-ci.
Il me reste environ une heure pour trouver la faille qu’elle fait semblant de chercher à dissimuler. Mais ce n’est pas une faille, cette fille, c’est un gouffre béant. Un trou sans fin. Son cruel manque d’affection éclate maintenant comme un pauvre petit hérisson sous les chenilles d’un panzer. Il y a bien longtemps sans doute qu’un homme ne s’est plus penché sur son désert affectif. Moi je suis prêt à me pencher très bas.
Elle va bientôt voir à quel point je suis souple.
Le moment du dessert approche. En tout cas, je suppose qu’après cette chose infâme qui agonisait au fond de mon assiette il y a un dessert. Mais peut-être suis je le premier ici à commander un dessert.
Mon estomac a bien mangé. A en juger par le bruit qu’il vient d’émettre.
Carine me dit que c’était délicieux.
C’est presque vexant pour moi qu’elle puisse avoir si mauvais goût.