B.O.S.T.
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C'est encore le soleil qui me réveille ce matin là mais j'ai comme l'impression de n'avoir pas dormi. L'alcool et toutes les autres substances ingérées pendant la soirée ont enveloppé ma cervelle dans un bain de vapeur et mes perceptions sont encore, hum, décalées : aucune douleur et le sentiment puissant de planer sur le temps, de revivre avec une acuité décuplée les événements de la nuit que je fais dérouler encore et encore sans quitter la banquette où je me suis endormi après avoir tout rangé et nettoyé, une fois que tout le monde est parti. Une courbature dans la mâchoire m'apprend que j'ai un sourire crispé sur ma figure.
Pour faire durer le plaisir, je revis les minutes de la soirée, de la nuit, le soleil courant sur mon corps engourdi, engoncé dans des vêtements mouillés de sueur, suintant l'odeur du tabac mélangé à l'alcool. Je force ma bouche à se détendre mais le sourire ne me quitte pas. Je ne vois qu'elle, chacun de ses gestes, chacun de ses sourires, entends chacun de ses mots que je crois — que je sais ? — à moi destinés. Je repasse en boucle les conversations, les danses, les chansons entendues, j'entends encore et encore ses "je suis tellement contente de t'avoir rencontré", je tourne autour d'elle comme une caméra pour mieux capter son regard, ses intonations, je suis spectateur, acteur, metteur en scène.
Je remonte le temps jusqu'à la première seconde, je reprends encore une fois son manteau quand elle entre, la guide dans le salon où tout le monde est déjà là, lui propose un verre, la laisse rejoindre ceux qu'elle connait. Je ne l'ai, moi-même, jamais vue ; ne connais même pas son nom, jusqu'à cette seconde. Je la regarde encore, entourée de plusieurs garçons, d'un en particulier, mais ne regarder que moi. Elle est là pour un autre, je le sais. Je la regarde encore, assise sur cette même banquette où je me réveille, ses mains dans celles d'un autre, moi posté derrière eux, debout, qui sens sa respiration, ses frémissements, qui scrute la base de sa nuque, l'attache d'une chaîne dorée sur un os qui saille, la couleur de sa peau, le tissu d'une bretelle, la chaleur de son corps, la palpitation du mien.
Je revois encore leur départ, moi qui les accompagne dehors, c'est la nuit mais déjà le matin, la vapeur qui sort de nos bouches, le froid qui saisit tous les visages rougis par l'alcool. La petite troupe qui se presse à l'entrée de la station de métro, les embrassades fatiguées et les promesses de se revoir, vite. Son regard à elle qui paraît avoir peur de devoir se séparer du mien et le sourire qui est né sur mon visage à ce moment précis. Leurs silhouettes qui descendent les marches, la
sienne qui disparaît en dernier.
****Musique :
- Paul Quinn And The Independent Group - Will I Ever Be Inside Of You
Dessins :
- Nantes
- Nantes
- Nantes
- Barcelone
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