C’est comme ce type qui voudrait que j’me soigne…

Publié le 12 novembre 2010 par Orangemekanik

C’était en novembre. Peu de temps avant Noël. Quand je suis arrivée, elle gisait sur le sol. Inanimée. Et tu courais. Vers la voie ferrée. Sans me voir. Sans corps. Ni âme. Je crois qu’ils t’avaient déjà tué…
Elle, c’est Prunelle. Ca faisait 10 ans qu’elle baroudait avec lui. Gaby. Le vieux clodo du coin. J’avais toujours vu Gaby se priver pour sa meilleure compagnonne. Toujours su que sans elle, ce serait sans lui aussi. C’était la chienne la plus heureuse du monde. La prunelle de ses yeux. De sa vie. De son cœur. Un bonheur qui ne faisait pas l’unanimité. Puisqu’on l’avait cassé. Un matin. Un de ces bons pères de famille au grand cœur qui va à la messe le dimanche et qui aime son prochain. Mais qui le préfère loin. Ou mort. Surtout s’il n’a qu’un chien. A part rien. Le problème, c’est qu’il aime encore plus les animaux, le bon père de famille au grand cœur. Il regarde trente millions d’amis. Et il adore Brigitte Bardot. Alors ça lui fait mal au cœur. De voir Prunelle tous les matins. Comme ça. Dehors. De nuit comme de jour. Eté comme hiver. Il dit que c’est pas humain d’imposer cette vie de chien. A un chien ! Une pauvre bête qu’a rien demandé. Et le vieux clodo du coin, il a beau lui répéter que Prunelle va très bien ; qu’ils s’entraident, elle et lui ; que sans elle, la vie serait aussi belle, oui… mais sans la vie, aussi ; y’a sa conscience qui le travaille, le bon père de famille au grand cœur. Il peut pas s’empêcher de croire qu’il est comme lui, le vieux clodo du coin, Et qu’il se priverait pas pour son chien. Alors il lui achète des biftecks. A Prunelle. Plein de biftecks. Et le clodo le remercie. Même si Prunelle, elle a déjà mangé. Mais un jour, ça l’énerve. Tant de complicité. Le bon père de famille au grand cœur. Son intuition lui dit qu’il devrait faire une BA. Alors il alerte la SPA. Et ils viennent. Pour prendre Prunelle.
J’avais déjà vu quelqu’un tuer son propre chien. Mais j’avais jamais vu personne se jeter sous un train. Après.

Gaby. Oh Gaby ! Y’avait tellement de sang ce jour là. Sur les rails. Sur le bitume. Tellement de gens qui parlaient. De toi. Et qui disaient n’importe quoi…
Oh Gaby. Pourquoi tu les aimais ? Pourquoi tu leurs faisais confiance ? Quand je pense au mal qu’ils t’ont fait pour que tu cries comme ça : l’encre de tes entrailles, le nectar des hectares de douleur qu’il y avait dans ton coeur.
Quand je pense que tu te battais juste, pour pas te laisser abattre. Comme un chien !