Les bourrasques et la pluie ne m’ont pas laissé le temps de développer ce que j’avais prévu de dire lors de la cérémonie en mémoire de l’armistice de 1918, devant un public fourni malgré les aléas de la météo. Voici ce que j’avais prévu de dire.
L’actualité nous propose en ce 11 novembre 2010 un rapprochement entre l’armistice de la Grande Guerre et le 40ème anniversaire de la mort de Charles De Gaulle, celui qui incarne pour une immense majorité d’entre nous une bonne part des valeurs de résistance et d’indépendance de notre pays au XXe siècle.
Depuis plusieurs années, nous ne pouvons plus faire appel aux témoignages des survivants de cette guerre douloureuse. Nous avons donc maintenant le devoir de rendre concrets les sacrifices de nos prédécesseurs, de leur redonner la réalité qu’ils pourraient perdre si nous n’y prenions pas garde. Cette année, le général De Gaulle nous offre cette opportunité.
Rappelons-nous donc, et notamment vous, les enfants, que l’homme du 18 juin, né à Lille en 1890, a combattu durant ce conflit. Lieutenant, il est engagé à Dinant où il est blessé au genou, en août 1914. En janvier 1915, il est nommé capitaine, et rejoint le front de Champagne, où il est à nouveau blessé à la main gauche en mars. Décidé à en découdre, il désobéit à ses supérieurs en ordonnant de tirer sur les tranchées ennemies, ce qui lui vaut d’être relevé huit jours de ses fonctions.
Mais son intelligence et son courage incitent le commandant du 33e régiment d’infanterie à le nommer comme adjoint. En mars 1916, son régiment est décimé en défendant le village de Douaumont, près de Verdun. Il est alors blessé à la cuisse gauche par un coup de baïonnette allemande. Il est fait prisonnier. Une première tentative d’évasion incite ses geôliers à le transférer au camp d’Ingolstadt, en Bavière, destiné aux prisonniers remuants. Il y retrouve notamment l’aviateur Roland Garros. Il tente de s’évader à 5 reprises, sans succès. Il y restera jusqu’à l’armistice, et gardera de cette captivité le souvenir amer d’un soldat qui n’a servi à rien.
De Gaulle va ensuite continuer sa carrière militaire et poursuivre le destin que nous connaissons à la tête de la France libre puis de la France, mais arrêtons-nous aujourd’hui à ces années. Le jeune officier de 26 ans place déjà au-dessus de tout l’indépendance de son pays, au point de désobéir à ses supérieurs si besoin est, et il veut participer activement, quel qu’en soit le prix, à la Libération de la France, il veut mettre la main à la pâte.
N’en doutons pas, ces moments initiaux contribuent à la formation du caractère de celui qui va appeler à résister, qui va prendre la direction de la France libre, de la lutte contre l’occupant et le totalitarisme.
Savez-vous, les enfants, que le 11 novembre 1940, alors que notre pays est sous le joug allemand, l’anniversaire de l’armistice va être l’occasion des premières manifestations d’étudiants et de lycéens contre l’occupant, et que c’est à partir de ce moment que le fameux appel lancé à la radio de Londres va commencer à véritablement redonner l’espoir dans les foyers de France.
Dans ces premiers faits d’armes, dans cette attitude en temps de guerre, on retrouve celui qui ensuite saura mettre un terme à la guerre d’Algérie, qui organisera la décolonisation en Afrique et en Indochine, qui prendra ses distances avec les deux superpuissances des années 60, les Etats-Unis et l’URSS.
Continuons à redonner de la chair à cette époque. Savez-vous, chers enfants, que notre région a particulièrement souffert des horreurs et des privations de la Grande Guerre. Pendant cette période, Lille perd la moitié de ses habitants, soumis au rationnement, envoyés en grand nombre dans les exploitations agricoles de la Somme et de la Marne. Nous sommes situés à un carrefour de circulation pour toute l’Europe du Nord, et les envahisseurs l’ont bien compris, à différentes époques de notre histoire. Ce qui est aujourd’hui considéré comme un atout pour notre développement économique est aussi une explication des souffrances que nos aînés ont vécues.
Remémorons-nous donc ces années terribles, et rappelons-nous aussi le message que le général De Gaulle nous a légués : il faut cultiver et chérir notre indépendance, et il faut éviter à tout prix que les conflits que nous avons connus au 20e siècle se reproduisent en construisant avec nos voisins et nos anciens ennemis une coopération amplifiée, qui fasse de notre continent un acteur primordial dans les nombreux défis qui nous attendent : une terre plus juste, plus pacifique, plus équitable, plus durable.
Alors, je terminerai cette allocution par les mots auquel De Gaulle a donné tellement de sens :
Vive la République, vive la France, et vivent l’amitié et la coopération avec nos voisins.