Vigilance

Publié le 13 novembre 2010 par Voilacestdit

"Les humains vivaient alors comme les dieux, le coeur libre de soucis, loin du travail et de la douleur. La triste vieillesse ne venait point les visiter, et, conservant toute leur vie la vigueur de leurs pieds et de leurs mains, ils goûtaient la joie dans les festins à l'abri de tous les maux. Ils mouraient comme on s'endort, vaincus par le sommeil. Tous les biens étaient à eux. La campagne leur offrait d'elle-même une abondante nourriture..." [Hésiode, Les travaux et les jours].
Ce portrait de l'âge d'or a de quoi nous faire rêver ! Il décrit un monde hors du temps où règne l'éternel présent sans histoire.  Hélas ! réintroduisons le temps de l'histoire, et nous retrouvons les questions existentielles de relation au travail, à la douleur, à la vieillesse, à la mort, à la vie.
Ce temps de l'histoire nous l'appréhendons au travers de notre conscience. Fermons les yeux, ne soyons pas trop regardant sur ce qui se passe autour de nous, et on peut s'acheter une certaine tranquillité, revenir mentalement en quelque sorte à ce lointain âge d'or en toute quiétude. Se tenir éveillé relève d'une toute autre posture. La première qualité requise est la vigilance. Et la vigilance se nourrit des informations dont nous nous imprégnons dans notre environnement et qu'on collecte autour de nous. L'une des voies ce sont les médias - médias qui sont connotés, sur lesquels il faut exercer un esprit critique, mais qui apportent ou peuvent apporter des informations dont nous n'aurions pas eu connaissance autrement.


De ce point de vue, dans l'actualité, il n'est pas rassurant d'apprendre ce qui se passe à propos des écoutes téléphoniques.
La chose paraissait classée. On imaginait les pratiques révolues. Et voilà que dans trois cas précis, tournant autour de la même affaire, on retrouve, nous dit-on, le pistage d'appels téléphoniques par le biais des "facdets" [facturations détaillées d'appels émis et reçus d'un mobile], pour identifier les sources de journalistes qui ont enquêté sur la dite affaire. Ceci hors cadre légal, qui soumet les écoutes [hors écoutes judiciaires] à demande d'autorisation pour cinq motifs : prévention du terrorisme, criminalité organisée, sécurité nationale, sauvegarde du patrimoine de la France et reconstitution de ligue dissoute.  
Aucun de ces motifs ne peut être invoqué, aucune autorisation n'a été demandée. Mais on aurait joué sur une interprétation élargie de l'article 20 de la loi qui autorise "aux seules fins de défense des intérêts nationaux" un accès sans contrôle aux données techniques de communications.

Tout ceci reviendrait à contourner la loi qui stipule : "Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie [...]. Est considéré comme une atteinte indirecte [...] le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations" sur ses relations.
Si les faits rapportés sont avérés, ils constituent un abus de droit qui porte gravement atteinte à l'exercice de la démocratie. Le flou qui règne autour - on joue plainte contre plainte - contribue à entretenir un climat de suspicion qui lui-même entrave le bon fonctionnement de la démocratie.

Loin de l'insouciance, la vigilance se doit de redoubler. Face aux événements, et pour repérer les brouillages de tous ordres autour de l'information.