La Musique de Minuit (5)

Il est minuit.

J’aurais pu sortir, déguster un subtil mélange d’alcool, de menthe et de glace pilée puis m’en enquiller quatre autres sans les déguster ceux-là mais non j’ai préféré rester.

Je n’aime pas ne pas me rappeler de ma soirée.

En contrepartie là je m’ennuie.

La nuit je regarde dehors.

Minuit c’est tôt pour moi, il y a encore des bruits, rarement du brouillard.

A minuit j’attends. Je fais passer le temps. J’écoute de la musique.

Alors je m’allonge, je ferme les yeux, je pose mon bras sur mes paupières et je pense.

Je repense à elle, je me demande si elle va bien, j’imagine des scènes, si jamais notre rencontre se déroulait aujourd’hui. Si elle a changé. Si moi j’ai changé.

Je n’aime pas ma vie.

A minuit quand je suis seul, je deviens nostalgique, je repense aux bons moments.

Et puis j’ouvre les yeux, la chanson s’arrête.

Et tout ce qu’elle avait de détestable me revient. Et tout ce que j’ai de détestable me revient.

Ma nuit commence à minuit.

La nuit je vois mon reflet dans la vitre.

La nuit je me regarde en face.

La Musique de Minuit par Le Velu.

Poilu, puisque c’est comme ça que je l’appelle, est un être énigmatique. Poilu est probablement l’individu le plus pince-sans-rire que je connaisse, capable de sortir les pires vannes du monde avec l’air stoïque et désabusé que Droopy lui jalouserait chaque minute si Droopy était un être vivant. J’aime bien Poilu, parce derrière cette montagne de poils et de vannes sexuellement douteuses, se planque un bonhomme fin et intelligent avec qui j’ai plaisir à dauber rigoler.