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Un bar fermé dans une rue assoupie d’une ville qui...

Publié le 16 novembre 2010 par Fabrice @poirpom
Un bar fermé dans une rue assoupie d’une ville qui...

Un bar fermé dans une rue assoupie d’une ville qui s’éveille. Rencard sur le trottoir d’en face. Le 650 ronronne discrètement jusqu’à l’angle, à quelques dizaines de mètres de là. Béquille, arrêt du moteur. Pas de course jusqu’au point de rendez-vous. Le bruit des billes des bombes dans le sac à dos résonne dans la rue.

Jou-Jou est calé contre le mur. À ses pieds, seau, colle, brosse et balai. Dans ses mains, une affiche enroulée dans du papier kraft. Bonnet vissé sur ses frisettes, gueule boursouflée de sommeil, sourire béat, il claque la bise.

Bien dormi? 

Pas encore couché. Chacun son rythme.

J’taffe à sept heures sur les Champs.

Il est 5h37. Début de l’opération Street Mateo.

À l’origine de l’opé, une hésitation de Jou-Jou.

J’pensais imprimer une photo d’sa gueule. 

Finalement, Jou-Jou hésite peu, passe voir un imprimeur, fait un détour par son magasin de bricolage et confirme.

Kit marouflage OK.

En parallèle, rapide détour par Génération 400ml pour s’équiper.

Jou-Jou a hésité parce que Mateo a invité, quelques jours plus tôt.

Les feuilles tombent, la retraite s’éloigne, Borlo se re-décoiffe, Obama perd les élections, Zahia écrit ses mémoires, le réchauffement climatique ressemble à une promesse électorale non tenue par ce temps glacial… Je vous propose d’organiser une contre-déprime.

C’est le nom que Mateo donne à son anniversaire. Contre-déprime. De l’Amitié Café, 22 rue des Vignoles, samedi 13, à partir de 20h30.

À 5h37, au N°23, Jou-Jou déroule la gueule de Mateo, nuances de gris en XXL. Face contre bitume détrempé par la pluie qui vient nous rincer.

Verser un demi-litre d’eau tiède dans un seau. À l’aide d’une cuillère en bois, y ajouter une quantité indéterminée de colle. Mélanger le tout jusqu’à diluer la colle dans l’eau.

C’est chelou ces grumeaux, non?

À l’aide d’une brosse, badigeonner le verso. Plier l’affiche en portefeuille. La saisir délicatement du bout des doigts et l’approcher de la surface choisie pour l’opération.

J’ai un doute. Du haut vers le bas ou du bas vers le haut?

En cas de doute, faire au pif. Puis corriger. Ajouter de la colle au mur et déplier progressivement le portefeuille. Lentement, lisser la surface à l’aide de la brosse et du balai.

Merde. Y’a un pli au milieu. Faut décoller la moitié.

En cas de pli, s’en remettre à la clémence du Tout Puissant. Puis corriger.

Putain, c’est pas droit. Loser Project, c’est le nom qu’il aurait fallu donner à l’opé.

Laisser Jou-Jou fignoler le travail à coup de brosse puis s’éloigner pour entamer la phase deux.

Pas chassé sur le côté jusqu’à un pan de mur encore vierge.

Genou à terre, coup d’épaule pour faire glisser le sac à dos sur le sol. Avec l’écho, la fermeture éclair sonne comme une Formule 1 qui franchit la ligne d’arrivée.

RAL 3000, rouge feu. En agitant la bombe, c’est une pluie de grêle sonore qui s’abat sur la rue des Vignoles.

Ffffffft. Un premier contour. Ffffffft. Un deuxième contour.

Genou à terre. Dans la petite poche extérieure, les fat caps. Changement éclair et maladroit. 

Un long sifflement et une patate rouge apparaît au mur.

Changement de bombe. 003, noir brillant. Skinny cap. Grêle sonore.

Ffffffft. Ffffffft. Contour noir de la tâche rouge.

Quelques sifflements de bombe plus tard, l’affaire est réglée.

Rangement du matériel, pause contemplative, accolade amicale. Retour au bercail.

Au réveil, teaser électronique à destination de Mateo.

À côté du N°22, il y une impasse. Deux voyoux préparent un méfait.

En face du n°22, il y a le N°23. Leur méfait sur les murs.

En pièce jointe, une courte vidéo d’une vingtaine de secondes. Un lève-tôt et un couche-tard, voyous de pacotille, gueules de déterrés, bafouillent des âneries sous la lumière d’un réverbère.

À 20h11, à l’heure où les fêtards sortent de leurs douches et mangent des sucres lents, Mateo déboule au n°22, préparer sa contre-déprime. Pause face au n°23.

À 20h13, il réagit en moins de 160 caractères.

LoV.

À partir de 20h30, la contre-déprime pétille. Champagne de rigueur, sottises de circonstance. K-Pu déboule, allumée comme un feu de forêt, dans une robe boule à facettes qui déclenche une émeute dans l’assemblée.

J’reviens de Lille. J’ai ramené des bières. On a fait une déguste avec Fresh Fraîch’. J’suis déjà méchamment pompette.

Tout le monde la fera tourner et tourner et tourner pour être ébloui.

Mollo les gars, mollo. J’ai la gerbe avec vos conneries.

Fresh Fraîch’, aussi drôle qu’un meurtre à bout portant, régale une tournée de Lézards Hurlants.

Un dé à coudre. Chartreuse, Téquila. Deux tiers, un tiers. 

Gueuler un bon coup est autorisé après un Lézard.

Fresh-Fraîch’ prodigue ses conseils. Et il sourit en plus.

Assassin.

Le second passe toujours mieux.

Récidiviste.

Hurlant car gueuler n’est pas seulement autorisé mais obligatoire. Pour survivre à la brûlure.

Les temps passe et minuit arrive. Trois fois. Trois décomptes de douze coups pour un anniversaire. Et des cadeaux par milliers.

Synchronisation des montres à revoir.

Sur une table calée dans un coin, le bordel son. Portables, table de mixage, iPods. Nombreux défilent avant que Va-Ness s’installe. Peau laiteuse et lumineuse, courte robe élégante, yeux rieurs, elle fouille les disques durs, épluche les playlists et balance bombe sur bombe. Entre chaque transition, elle vient se trémousser au milieu de la bande. Puis trottine jusqu’aux machines, plisse les yeux, serre les lèvres, clique, secoue la tête et repart se trémousser.

DJ Va-Ness tient les allumés au chaud jusqu’à 2h00, heure à laquelle le tenancier débranche la prise.

Sous les huées de la bande en présence, départ des lieux. Sur le pas de porte, les yeux s’égarent sur le trottoir d’en face.

MATEO 

FOR EVER


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