Le web, c'est aussi la promesse de la célébrité facile.
Tu postes une vidéo de ton chat qui vomit dans tes chaussures, et hop! tu deviens célèbre. Tu écrases tes seins contre ta webcam, et hop! tu deviens célèbre. Tu fais d'ignobles vocalises, d'affreuses grimaces, ou d'affreux play-back devant ton écran, hop! tu deviens célèbre.
Le web, je me suis dit que c'était la chance de ma vie. A défaut d'avoir une rolex avant mes 50 ans (je porte pas de montre), je veux avoir mon quart d'heure de célébrité sur la toile. Sauf que je suis plate comme une limande, que je n'ai pas de chat, et que jamais de la vie j'irai faire le pingouin avant de poster le tout sur youtube.
Il ne me reste que les blogs.
Le Skyblog. Pas possible, je sais écrire.
Le blog de (mauvaise) humeur, ça marche moyen pour devenir méga célèbre. Il faut lire, c'est écrit petit, et il n'y a même pas d'images. Puis je parle pas de cul. Mauvais plan.
Le blog cuisine, je suis pas sûre d'avoir beaucoup de succès avec ma recette de cupcakes aux lardons et au smarties.
Le blog bédé, j'y penserai lorsqu'on arrêtera de prendre mes dessins de poneys qui s'embrassent pour des reconstitutions de scènes de guerre.
Il ne me reste que le blog mode. Mais c'est bien sûr. Pourquoi j'y ai pas pensé plus tôt, on se le demande.
Le blog mode, c'est le saint graal de l'internaute femelle qui veut devenir célèbre au point que Glamour lui consacre 37 signes à la rubrique web. Le blog mode, c'est l'assurance d'une pluie de fringues très chères gratuites et d'invitations à boire du champagne dans des magasins d'habits après l'heure de fermeture en compagnie d'autres blogueuses mode. Avoir un blog mode, c'est avoir un jour l'opportunité de pouvoir lancer une collection de bats de contention designé par mes soins. Avoir un blog mode, c'est se découvrir une foultitude de nouvelles copines qui se battent pour pouvoir te dire à quel point tu es belle, bien habillée et pleine de goût. Etre blogueuse mode, c'est la vie, c'est ce qu'il me faut.
Allez, je me lance. Il me faut:
- un blog avec un nom stylé: je pense à "almirafashionblog" ou "leplacarddegush".
- un blog avec un design trop stylé, genre dans le mood "j'adore aller au champignons et me rouler dans les myrtilles. Oh! une biche qui fait l'amour à une mésange! La nature c'est trop féeriquement gracile et pur. Et en plus dans ma forêt magique personne fait caca et la boue n'existe pas". Tu vois le genre?
- un ami avec un appareil photo: on en parle pas assez. Mais la blogueuse mode ne serait rien sans le pote qui la prend en photo. L'homme (ou la femme) (ou le trépied si tu es misanthrope) de l'ombre est indispensable. Mon blog mode aurait l'air de rien si je me prenais moi même en photo. D'autant plus que je n'ai même pas d'appareil! Et qu'il faut donc que je trouve non seulement un ami, mais en plus un ami qui a un appareil photo qui tient la route. Si en plus le bougre recycle tes vieux mi-bas pour les coller sur son objectif et ainsi donner un effet merveilleusement hamiltonien à mon oeuvre, alors là, chapeau.
- savoir parler anglais. Etre célèbre, c'est bien. Etre mondialement connue all over the world, c'est mieux. Et qui dit mondialement dit forcément en anglais. Il faut donc que je soigne mon bilinguisme qui est, soit dit en passant, très pointu. You see what I mean, you fucking cunt?
- avoir des habits. Je suis frileuse et pas nudiste.
- avoir des beaux habits. Ah ouais, plein. J'ai une cape d'exhibitionniste, un gilet en poils de pétrolier, deux robes de secrétaire cochonne, deux autres robes en ribolin vintage, les jeans de chéri, une soutane de nonne, une robe que j'ai piqué à Olivia Newton John, un fute qui aurait très bien pu faire l'affaire si le clip de cargo de nuit avait été réalisé par Pierre et Gilles, des collant jaunes, des chaussures que j'ai pu voir une fois en vente dans un sex shop, la jupe de Calamity Jane, un pull qui a servi de parachute pendant la guerre du golfe, une panoplie de shorts que je ne peux pas porter sous peine de me faire arrêter pour attentat à la pudeur, une robe deux fois trop large et deux fois trop courte, deux robes vertes à volant, une robe que Mado aurait kiffé en 1987, un polaire rouge... et je vais pas non plus te faire un listing complet, faut garder le suspence un peu.
- avoir des beaux habits SELON LE RESTE DU MONDE. Et de marque de préférence. oups.
- être une acheteuse d'habits compulsive. Si on est compulsive au point de devoir jetter des fringues de chéri à la poubelle en cachette pour pouvoir y caser les sienne à la place, on est bon. Si par contre ça signifie aller dans les vrais magasins pour acheter des trucs neufs et même pas en promo... euh...
- avoir une frange. Un peu mon n'veu. Et je la coupe moi-même avec mes ciseaux à ongles.
- savoir prendre la pause. Je maîtrise ça. La moue boudeuse, l'oeil brillamment fardé bien qu'en partie caché par la frange, la tête penchée tel un cocker réclamant un cookie, les bras croisés dans le dos, toujours prêts pour un chifoumi intempestif, et surtout, les genoux. Tu peux décemment pas être une bonne blogueuse mode si tu maîtrises pas parfaitement le genou en dedans. Pour bien le faire, mets toi dans la peau d'une petite fille de six ans qui vient de se faire chopper par sa maîtresse parce qu'elle a collé du chewing gum dans les cheveux de sa voisine tout ça parce que cette dernière n'a pas voulu lui prêter son stylo hello kitty rose à paillettes. Hé ho, on a jamais dit que la blogueuse mode était sexy. On a juste dit qu'elle était célèbre et qu'elle avait des fringues gratuites. C'est pas pour autant qu'elle va niquer plus.
- être une poétesse. Les habits, c'est la vie. Surtout s'ils valent cher. Ils doivent raconter des histoires. La bonne blogueuse mode se doit de jouer avec les pots en appelant ses posts "rêverie au coin de l'automne" ou "le orange-citrouille me va bien au teint".
En même temps, la célébrité, tout ça, c'est surfait, non? si je me contentais de te raconter comment je suis tombée sur les fesses en plein milieu de l'après midi en glissant sur une feuille morte plutôt?