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L'incroyable destin de Clarisse Manzon (4)

Publié le 16 novembre 2010 par Mazet

Épisode 4  : A la découverte de la maison Bancal.

La rue des hebdomadiers, où semblait s'être déroulé le drame, tirait son nom des ecclésiastiques qui officiaient à la cathédrale par roulement hebdomadaire. Ils avaient donné leur nom à une rue de bien piètre réputation.

Après la soupe, j'eus droit à l'inévitable tome fraiche. Enfin Monsieur Carrère ferma temporairement sa boutique et nous primes, par la rue du Terrail, la direction de la rue des Hebdomadiers. Arrivés à hauteur d'une bâtisse lépreuse, mon compagnon s'arrêta.

- C'est ici me dit-il, dans la maison Bancal, qu'aurait eu lieu le crime.

- En effet, le lieu n'est guère attirant. Vous en savez plus sur cette maison.

Mon compagnon se lança dans une longue tirade.

Cette sinistre demeure est la honte de Rodez. La rumeur la présente comme un bouge exécrable, une sorte de tripot planté au cœur de la cité puritaine. Les parties, les plus odieuses, se déroulent à l'ombre des murs glacés. Elle était occupée par Antoine Bancal, maçon désœuvré et de mauvaise vie, sa femme Catherine, mégère hideuse de cinquante ans et trois filles. L'ainée, nommée Marianne atteignait sa dix-huitième année, blanchisseuse de son état, passait pour l'égérie vénale de Rodez. La baraque était soupçonnée d'abriter les rendez-vous galants clandestins de la meilleure bourgeoisie ruthénoise. Le 20 mars, quand le commissaire est venu perquisitionner, personne n'a été surpris. Mais quand il est ressorti bredouille, la colère de la population avait enflé. Déjà mal aimé, le commissaire était alors soupçonné de faire cause commune avec les terroristes blancs qui avaient assassiné le procureur impérial.

- On ne peut pas rentrer?

- Je crains bien que non, mais tu sais, le spectacle ne doit pas être reluisant.

- Vous n'y êtes jamais entré?

- Non, mais je peux te la décrire, tellement on a eu de témoins. Tu vois, au bout de ce long couloir, il y a une grande pièce sombre, aux murs délavés. Jusqu'à ce qu'on arrête Bancal, il y avait des pourceaux qui s'engraissaient des déchets ménagers. Tu n'y verrais pas grand chose, si ce n'est une table délabrée et quelques chaises déglinguées. Tout le monde couchait dans le même lit branlant. Au deuxième étage, il y a deux chambres d'hôte que tout homme honnête refuserait d'occuper.

- Le crime s'est passé en bas?

- C'est ce que racontent les témoins!

- Ils sont nombreux?

- Mon dieu! Il semble que tout Rodez ait assisté au crime. Mais, quittons cet endroit, il me donne le frisson.

Il m'entraina, par la petite rue de l'Annonciade, dans les jardins de l'Evêché.

- C'est par ici, me dit-il qu'ils auraient transporté le corps.

- Qui « Ils? »

- Je te le dirai après. Simplement, nous devons avoir de sérieux doutes sur la sincérité de cette avalanche de témoignages.

- Tu imagines cette procession de cinq à six hommes, portant un Fualdès égorgé et qui traverse la moitié de Rodez, comme nous venons de le faire, à dix heures du soir. Si nos assassins avaient été hommes intelligents, ils auraient emprunté la petite rue Saint-Vincent, au lieu de traverser la moitié de Rodez en cortège.

- Généralement les criminels ne sont pas les esprits les plus brillants.

- Non, mais ce sont gens prudents. Je crois surtout qu'un vent de folie souffle sur la ville.

Enfin, on atteignit les rives de l'Aveyron.

- C'est ici qu'on on retrouvé ce pauvre Fualdès.

- Je crois que c'était un homme estimé dans la région.

- Estimé ou craint, c'est selon.

- Il a occupé des places éminentes pendant la Révolution.

- Oui, il a eu une carrière que beaucoup lui enviaient. Il a été administrateur du Directoire du département de l'Aveyron, juré au Tribunal révolutionnaire de Paris, accusateur public au tribunal criminel de l'Aveyron et enfin procureur criminel près la cour de Rodez.

- De quoi se faire des ennemis.

- Oui, certains n'ont pas du pleurer à l'annonce de sa mort. Certains prétendent qu'il a voté la mort de Marie-Antoinette, mais c'est une fable, il avait démissionné depuis un mois du tribunal de Paris, lorsqu'elle a été condamnée.

- Il vivait de quoi maintenant?

- Il essayait de subsister avec ses rentes.

Sans y prendre garde, nos pas nous avaient conduits jusqu'au bord de l'Aveyron. La belle saison n'était pas encore arrivée, la fraicheur ne tarderait pas à tomber. Comme nous rebroussions chemin, nous entendîmes des éclats de rire. Deux couples rentraient également vers Rodez.

- Tiens, on dirait Clarisse Manzon me dit Carrère.


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