Bien que la démarche soit plutôt rare de nos jours, il arrive que certains parents entreprennent la périlleuse aventure du baptême de bébé pour maintes raisons: foi catholique, partage des valeurs de ladite religion, envie de faire comme tout le monde, façon subtile et efficace de choisir un parrain et une marraine qui offriront des tonnes de cadeaux ce qui permettra aux parents d'économiser, soudaine révélation divine suite à une commotion cérébrale sévère, méthode complexe et ayant de bons résultats de passer des quantités importantes de reste d'oeufs-jambon-poulet en petites sandwiches pas de croûtes servies dans un buffet froid, etc.
Pour des raisons bien personnelles et donc, que je n'ai pas énumérées plus haut, l'amoureux et moi avons décidé que Bébé fille serait baptisée. Décision que nous avons prise d'un accord presque totalement commun durant la grossesse, mais dont le passage à l'acte ne s'est pas déroulé exactement comme nous l'avions imaginé en flattant ma grosse bedaine où Bébé fille était lavée-nourrie-blanchie à faible coût. Et je m'apprête évidemment à vous partager le secret ultime qui rendra cette cérémonie mémorable pour tous, particulièrement pour le prêtre.
Quel est ce secret?
Vous pensez peut-être que l'important pour que l'événement soit inoubliable est d'inviter les membres des familles des deux parents, les amis proches et les collègues de travail pour illustrer le dicton qui dit que plus on est de fous, plus on rit. Bien sûr, c'est un élément gagnant, mais ce n'est pas le détail qui fera en sorte que le prêtre se souviendra de ce baptême plutôt que celui du dimanche suivant.
Vous supposez donc que le secret réside en la réception qui suit la cérémonie, réception qui doit se dérouler dans un endroit assez grand pour recevoir tout le monde, incluant bouchées et breuvages pour contenter les estomacs, car c'est bien connu que de passer 1 heure assis sur des bancs d'église, ça ouvre l'appétit et ça donne soif. Encore une fois, ça enjolive la sauce, mais ce n'est pas l'ingrédient exact qui rendra le tout inoubliable, surtout pas pour le prêtre puisqu'il ne sera même pas présent à la réception.
Vous imaginez sans doute qu'il faut sélectionner attentivement son église ou magasiner les vêtements blancs de bébé pendant des jours ou encore choisir avec soin le parrain et la marraine après des nuits à argumenter sur tout un chacun. Vous vous trompez encore une fois.
Le secret pour que cette cérémonie reste à jamais gravée dans votre mémoire de parents ainsi que celle de toute la communauté chrétienne présente, incluant l'aimable prêtre, c'est d'attendre que bébé ait 1 an. Et vous pouvez même pousser la chance jusqu'à céduler l'heure du baptême à l'heure de la sieste de bébé.
Imaginez la scène. Bébé fille dans l'église, réclamant son biberon d'avant-sieste pendant que le prêtre souhaite la bienvenue et jase de la famille de Dieu (précisément, je ne me souviens plus trop, j'étais un peu occupée à calmer Bébé fille). Biberon terminé, Bébé fille qui demande clairement qu'on la laisse se promener à sa guise dans ce drôle d'endroit. Moi qui l'agrippe et l'approche du bol d'eau. Le prêtre qui parle, parle et parle, Bébé fille qui pleure, pleure et pleure, me regardant avec ses yeux de bébé désespéré que son idiote de mère ne comprenne pas qu'elle a envie de jouer par terre. Le prêtre qui lui verse de l'eau sur le front, Bébé fille qui lui en lance sur la soutane pour se venger. L'onction huileuse sur le front qui s'éternise parce que Bébé fille bouge sa tête de gauche à droite, résolument décidée à ne plus se faire toucher par ce drôle de monsieur. La troupe qui se dirige vers l'autel, Bébé fille qui ne veut pas rester assise sur l'autel et préfère manger le crayon, les fleurs en plastique et le crucifix qui s'y trouvent. Moi qui fait la lecture de la prière composée par les parents pendant que l'amoureux coure à la suite de Bébé fille qui s'est sauvée derrière l'autel. Bébé fille qui hurle de fatigue pendant la signature du registre. Bébé fille qui hurle sur les photos prises à la fin. Moi qui n'a plus de patience. Et le prêtre qui mentionne qu'il n'oubliera jamais ce baptême.
Voilà le secret.