C’est le principe des fluides ou des corps terrestres ; à un moment donné, il faut bien que les plus agités se heurtent. Je venais de rencontrer mon double ; à cet instant d’errance en plein aéroport de Saint-Pétersbourg, en plein tourné-boulé existentiel.
Elle avait vingt ans de moins, elle aurait pu être ma fille et semblait tout aussi agitée que moi de regagner un temps qu’elle avait de toute façon déjà perdu. Je la regardais avec étonnement, il est assez rare de rattraper son double, celui qui est juste devant vous dans le manège qui tourne, qui tourne… en vain.
Nous aurions pu prendre un café, fêter nos retrouvailles, notre reconnaissance mutuelle. J’aurais pu lui faire la cour, troquer ma vieille femme contre cette plus jeune. Après tout, pourquoi ne nous comportons-nous pas avec les autres de la même manière que nous traitons les objets ? J’aurais pu oublier mon rendez-vous à Moscou avec des maffieux et rester à tout jamais dans une zone de transit international dans l’ancienne dénommée Leningrad.
J’aurais pu m’oublier tout simplement, changer moi aussi de nom, suspendre le temps et ma course poursuite…