Hommage à Pupi Avati à la Castellinaria de Bellinzone; présentation de son dernier film, Una sconfinata giovinezza, sur le thème des tribulations liées à la maladie d'Alzheimer; et découverte du premier long métrage d'un jeune réalisateur taïwanais, Arvin Chen: Au revoir Taipeh.
Si les journées sont réservées aux projections visant le jeune public, avec le double concours (les 6-15 ans et les 16-20 ans) soumis au jugement des jurés adolescents, les soirs de la Castellinaria sont voués à des événements concernant l’audience élargie des adultes, et c’est à cette enseigne que, mercredi soir, hommage fut rendu à un vieux routier du cinéma italien contemporain, assez peu connu dans nos contrées francophones mais populaire en Italie: le réalisateur Pupi Avati, qui fit ses débuts à la trentaine, en 1968, avec Balsamus, l’homme de Satan, a réalisé depuis lors plus de trente films, tels La maisons aux fenêtres qui rient, succès dans le genre fantastique, Le témoin du mari ou Un cœur ailleurs, films largement reconnus dans les années 90. Scénariste également abondant, Pupi Avati a notamment cosigné (avec sergio Citti) le sulfureux Salo de Pasolini et la série télévisée de Hamburger Serenade. Or c’est pour l’ensemble de son œuvre qu’un Castello d’or lui a été remis hier, avant la projection d’Una sconfinata giovinezza, son dernier film présenté en première internationale.
Thème important (la maladie d’Alzheimer déchirant un vieux couple), bons acteurs (Francesca Neri et Fabrizio Bentivoglio), scénario solide autant que le dialogue: ce film traitant d’amour autant que de maladie, et d’enfance retrouvée autant que de détresse, en impose par le savoir-faire d’un artisan plus que par son originalité ou ses qualités plastiques. N’empêche : l’émotion est au rendez-vous dans cette chronique d’un couple plutôt brillant que frappe soudain la maladie d’Alzheimer dont Lino, ancien journaliste sportif de renom, est victime au grand désarroi de Chicca, qui subit sa métamorphose avec un mélange d’effroi et de sollicitude maternelle. Dans l’un des plus beaux moments du film, nous voyons Lino, à plat ventre sur une piste tracée sur le sol à l’image du Giro, tel qu’il y jouait avec ses compères enfants, enfin rejoint par Chicca dont la tentative de l’intéresser aux jeux électroniques a été vaine. Enfin c’est une lancinante histoire d’amour que raconte Pupi Davati, qui dit s’être inspiré de tribulations vécues par ses proches.
Une comédie épatante
Ainsi que l’a relevé le présentateur du premier long métrage du réalisateur chinois Arvin Chen (né à Boston mais installé à Taipeh), lors du débat suivant la projection d’Au revoir Taipeh, la comédie est un art plus difficile qu’il ne semble au premier regard, dont un Lubitsch est la meilleure preuve. Or on pense à certaines idées narratives de Lubitsch, ou d’Hitchcock, en suivant l’histoire du jeune Kai, amoureux d’une fille installée à Paris et ne pensant qu’à la rejoindre à grand renfort d’apprentissage du français, avant de se trouver mêlé à un imbroglio mafieux qui donne prétexte à un délicieux gorillage des films noirs et autres téléfilms sentimentaux.
Détaillant une frise de personnages avec autant de précision que de malice, du flic mal barré dans sa vie privée aux petits malfrats évoquant les Pieds Nickelés, le jeune réalisateur parvient à combiner une véritable histoire d'amour naissant, avec sa part de grâce intime, dans le tumulte de la grande ville où tout le monde se presse, se compresse et bouffe tout le temps force raviolis…
Très bien construit, très maîtrisé dans sa forme et son rythme, Au revoir Taipeh est le type même du film d’auteur qui joue, tout en légèreté, avec tous les standards du cinéma populaire joyeusement revisités, sans mépris ni démagogie…
Bellinzone. Castellinaria, 23 e édition, du 13 au 20 novembre. Infos : http://www.castellinaria.ch/