J'avois bien dit que tes appas,
Belise, ne dureroient pas,
Tu vois l'effect de mon presage :
Le temps, favorable à mes veux,
A ravy l'or de tes cheveux
Et les roses à ton visage.
La désirable nouveauté
De ta nompareille beauté
A passé comme une fumée,
Et ce monstrueux changement
Est une honte au jugement
De tous ceux dont tu fus aymée.
J'ay tant prié les immortels,
A genoux devant leurs autels,
Qu'à la fin te voilà punie
Des cruels tourments qu'en tes fers
Mon coeur a si long temps soufferts,
Par ton extrême tirannie.
Que sont devenus ces beaux yeux
Remplis de rayons gracieux
Et de pièges inevitables,
Ces yeux qui forçoient la raison
D'avoüer que de ta prison
Les chaisnes estoient souhaitables ?
Es-tu celle qui, d'autres fois,
Sous l'injustice de tes loix
Captivas mon obeissance ?
Es-tu l'objet de mon ennuy ?
Il me semble que d'aujourd'huy
J'ay seulement ta connoissance.
Qui n'eust envié ton destin.
Si ta vie eust, dès son matin
Senty le cizeau de la Parque ?
Tes amants près de ton cercueil,
De tes beautez et de leur dueil
Auroient eslevé quelque marque.
Gustave KLIMT
Les trois âges de la vie
1905
Comme en un publique malheur,Une generale douleurEust honoré ta sepulture,Et ta gloire unie en mes versEust ravy par tout l'UniversL'esprit de la race future.
Au lieu qu'au déclin de tes ans,
L'amertume des médisans
Tasche à te rendre mesprisée ;
Et dans le cabinet du Roy,
Les grands s'entretiennent de toy,
comme d'un sujet de risée.
Belise, en vain recherches-tu
Des remedes dont la vertu
Sur ton front les sillons efface.
Malgré la finesse de l'art,
Qui ne voit à travers le fart
Les rides qui sont en ta face ?
Croire qu'un si foible secours
Te puisse rendre tes beaux jours,
Qu'est-ce que'un excez de folie ?
Cet effect n'est pas au pouvoir
De l'incomparable sçavoir
Des sorcieres de Thessalie.
Croy-moy donc, ne pratique point,Pensant ravoir ton embonpoint,Des secrets si peu secourables.Tes soins réüssiront sans fruict :Les ans, par qui tout est destruit,Ont des breches irreparables