Celui qui est libre de pensée sans se dire libre penseur / Celle qui se refait une beauté dans le sous-bois / Ceux dont l’horloge est la chair / Celui qui résiste à la grand fatigue d’être / Celle qui perce le Secret douloureux / Ceux qui s’arrêtent devant la Vieille Femme de Giorgione / Celui qui lit Cavafy sous une rangée de bougies / Celle qui perçoit en elle la fluctuation / Ceux qui flottent dans l’indétermination de leur sourire / Celui qui a baissé sa garde pour mieux se défendre / Celle qui déclare une guerre totale à la Cellulite / Ceux qui remontent aux sources en sautant une idée sur deux / Celui qui voit éclore la rose de douceur dans l’orage d’acier / Celle qui rayonne de toutes ses rides / Ceux qui n’entendent pas la supplique de leur chair / Celui qui retient le temps par sa main de sang / Celle qui boit les paroles du sellier métaphysicien / Celle qui subit le temps accéléré de la faim / Ceux qui distinguent « l’anatomie d’une puissance consumée » dans les traits de l’enfant tiré des gravats / Celui qui est sensible à la Moire / Celle qui pressent l’assaut des fourmis carnivores et s’en réjouit pour des raisons massivement hygiéniques / Ceux qui savent que la faim n’est pas la fin de l’anthropophagie rituelle / Celui que ses yeux très salés ont protégé quelque part / Celle qui émarge au Fichier de la police du fleuve / Ceux que renferme une capsule d’infini mais qui n’en rien à souder / Celui qui injecte quelques années de plus à sa riche patiente / Celle que ses trois liftings disposent à certaine réserve en matière d’expérimentation animale / Ceux qui se rappellent les balcons chantants de la rue de Jadis / Celui qui estime qu’un individu qui ne chante plus ne mérite plus d’être considéré comme vivant / Celle qui chante son fado dans la maison close aux fenêtres donnant sur le Tage / Ceux qui traînent derrière eux la charrette de leurs Désirs assouvis ou non quelle importance après tout, etc.
Image : JLK, à Schoorl