Le quartier Saint-Louis avait aussi son marché. Il était adossé au flanc est de l'ancienne église éponyme, bâtie en briques et galets roulés, qui présentait de ce côté-là des fenêtres ogivales émaillées de vitraux. Son aire rectangulaire bordée d'échoppes en dur ouvrait sa longueur est sur l'avenue Maréchal Joffre.
Le matin, de bonne heure, les commerçants soulevaient le vantail de bois de leur boutique et dressaient leur étal. Les ménagères arrivaient, le bras passé dans l'anse de leur panier ou le cabas à la main. Elles allaient d'un étal à l'autre, passant en revue les fruits et légumes venus des proches jardins maraîchers, commentant les prix, examinant la fraîcheur du poisson, surveillant la mesure de bois ou de fer qui plongeait dans les sacs ventrus, gonflés de haricots, de pois, de lentilles. Certaines, après avoir un peu balancé, s'offraient le luxe gourmand de deux hectogrammes d'olives brillantes ou d'une cinquantaine d'escargots petits-gris.
Nous achetions notre bifteck chez Monsieur Christine, le boucher du Saint-Louis. J'étais parfois chargé de cette commission. Le boeuf figurait au menu du samedi, comme nous avions du poulet le dimanche. Les autres jours, la viande de porc, que nous n'avions pas à aller chercher bien loin, régnait sur la table familiale.