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Sylvio

Publié le 23 novembre 2010 par Banalalban

SYLVIO _ On me dit : « tiens voilà ton chèque sur ce que tu vas écrire, une pièce… »…

Moi je dis : « je n’écris pas de théâtre… »…

On me répond : « pourquoi tu n’écrirais pas de théâtre ? »…

Moi je dis : « je n’écris jamais pour personne que pour moi-même, écrire du théâtre c’est écrire pour un spectateur, je ne saurai pas faire… je suis égoïste dans l’écrit…»…

On me dit : « tu sauras faire car, tiens, voilà ton chèque sur ce que tu vas écrire : une pièce sur l’amour… »…

Moi je dis : « je ne saurai pas écrire de pièce, et encore moi une pièce sur l’amour… »…

On me dit : « tu l’écriras, car tu as un chèque d’avance sur cette pièce sur l’amour… »…

Moi je dis : «  je ne suis pas la bonne personne pour écrire sur l’amour, ne me payez pas pour ça… »…

On me dit : « tu apprendras à écrire sur l’amour, et tu apprendras à en faire quelque chose de léger.. »…

Moi je dis : « je ne peux pas écrire sur l’amour et être léger tout à la fois… »…

On me dit : « pourquoi tu ne pourrais pas écrire sur l’amour et en faire quelque chose de léger ? »…

Moi je réponds : « parce que l’amour est la chose la plus grave qui soit… la plus amère aussi… »…

On me dit : « et bien toi, tu écriras une pièce sur l’amour et tu en feras quelque chose de léger… »…

Moi je dis : « je ne peux pas en faire quelque chose de léger, car l’amour n’a jamais été quelque chose de léger pour moi … »…

On me dit : « pourquoi tu n’essayerais pas d’être léger pour une fois? »…

Moi je dis : « Comment voulez-vous que j’essaye d’être léger alors que l’idée que j’ai de l’amour depuis ma plus tendre enfance est atroce ? »…

On me répond : « tu apprendras à faire avec… tout le monde fait avec… »…

Moi je réponds : « il n’y avait rien de léger dans cette idée d’amour que l’on m’a imposée… et avec laquelle je me dois de compiler…»…

On me dit : « tu apprendras à oublier… tout le monde à déjà oublié…il y’a l’amour et l’idée qu’on s’en fait…»…

Moi je dis : « je ne peux pas mettre de côté l’idée que je m’en fais et être léger… »…

On me dit : « les enfants grandissent en oubliant… tout le monde sait ça… »…

Moi je dis : « je ne serai jamais léger là-dessus… et puis toutes les histoires d’amour difficiles… les lèpres… les larmes… et maintenant la gangue tout autour…»…

On me dit : « tout le monde en a eu : regarde la salle : elle en est pleine d’histoires difficiles… elles rebondissent sur tout, sur la servante qui éclaire le décor alors que le public n’est pas encore là, sur les pendrillons qui accueillent leurs rires, sur les rideaux tirés sur le dénouement et ce qu’il y a eu de plus sincère…»…

Moi je dis : « mais elles m’ont fait mal… souffrir… regardez : je saigne encore !!! Eux, ils ne souffrent pas… ils viennent voir du théâtre… ils ne savent pas… alors que moi… moi…»…

On me dit : « tais-toi un peu… écris du théâtre, n’en fais pas : tu es un mauvais comédien : tu sur-joues… »…

Moi je dis : « moi j’ai souffert par amour, permettez que j’en joue !!! »…

On me dit : « n’en joue plus, écris-le… »…

Moi je dis : « je ne saurais pas faire… »…

On me dit : « tu mettras un masque… »…

Moi je réponds : « les masques font mal.. »…

On me dit : « le chèque d’avance devrait te permettre de ravaler ta douleur et de pleurer sous le masque… et de ne rien faire voir… »…

On me donne ça… (Il tend un petit paquet d’à peine un centimètre de côté). Mon chèque.

Je le dis tout de suite, je ne promets rien.

Je ne sais pas promettre.

Une fanfare au loin…

Je n’écris pas de théâtre.

Je n’écris pas sur l’amour.

Je ne sais pas faire.

Moi j’ai juste mon masque.

Et maintenant mon chèque.

Merde…

 

Bruit d’une fanfare qui monte de plus en plus…

Non je vous assure, vraiment…

Je ne saurai pas faire…

Ne me jugez pas…

Je vais être mauvais…

Je vous préviens…

La fanfare, plus présente…

 

Non, je vous assure, vraiment, je ne suis pas bon là-dedans… moi je fais mes histoires, dans mon coin, sans faire d’histoire… personne ne me voit… c’est très bien comme ça…

Ça s’rait quoi qu’cette impudeur ?

On ne peut pas me forcer…

Surtout pas vous, hein ?

Ah si ? On peut ?

 

La fanfare, presque assourdissante…

 

NON, JE VOUS JURE ! JE VEUX BIEN ESSAYER MAIS ÇA SERA MAUVAIS, JE VOUS ASSURE !!!

JE NE SAIS PAS FAIRE !!!

JE NE SAIS PAS FAIRE !!!

Les deux autres personnages font leur apparition sur scène…

LES DEUX AUTRES PERSONNAGES_   TA GUEULE !!! TU NOUS LES BRISES SYLVIO!!!

 

Les deux autres personnages emmènent de force le premier…

 

Seul reste sur scène le petit paquet, éclairé…


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