Le bus démarre. Après le temps de l’incompréhension, de la colère et de la révolte, vient celui du consentement. La nuit tombe. J’ai froid et je suis fatiguée. Au moins ici, c’est bien chauffé. Ma voisine me refile des cornichons et des snickers. C’est aussi incongru que la situation dans laquelle je suis embarquée, c’est presque rassurant.
Ca me rappelle mon livre préféré de mes 13 ans: des cornichons au chocolat, le journal intime d’une ado, Stéphanie. J’ai appris récemment que ce n’était qu’une pièce montée ce livre, une belle supercherie littéraire. C’est un mec de 50 ballets qui l’a écrit, un certain Philippe Labro et pas une minette de 13 ans. D’abord, j’ai été super-vener et puis, la philosophe en moi a pris le dessus. A croire que je fonctionne toujours ainsi, en deux temps : réaction et puis acceptation…
Pourquoi pas ? Je veux bien croire que les vieux s’y connaissent plus en jeunettes que les jeunettes elles-mêmes. Et puis, après tout, c’est bien plus joli que tout ceci ne soit que du carton-pâte, non ?
D’ailleurs, moi aussi, j’ai perdu le fil de mon histoire. Nous nous approchons de la Tour Eiffel qui nous guide dans l’obscurité. Les Africains et les Indiens, aussi noirs que la nuit, nous cueillent au saut du bus. Ils lancent en l’air des toupies phosphorescentes aussi belles que des poissons fluos qui jailliraient des bas fonds…