Les théâtres m’apaisent quand personne n’est encore vraiment arrivé, quand le seul bruit audible est celui des talons qui foulent le sol en quête d’un balcon, d’un siège côté jardin ou d’une place à l’orchestre. Les théâtres m’apaisent parce qu’ils sont comme des chambres dans lesquelles on a trop rêvé. Les murs sont imprégnés de la sueur de ceux qui les ont aimés.
Les théâtres m’apaisent parce que ce sont les seuls endroits au sein desquels le silence a encore du sens, dans lesquels on apprend l’importance de l’écoute. Ce sont des lieux d’imaginaires et d’évasion. Les théâtres m’apaisent parce que leurs scènes sont comme les dernières pages vierges d’un Moleskine, quelque chose de précieux que l’on ne doit pas souiller. Les théâtres m’apaisent parce que ce sont des lieux de respect et de tolérance.
Les théâtres m’apaisent. L’odeur du velours rouge comme une promesse d’abandon, une fenêtre privilégiée sur quelque chose qui n’existera jamais ailleurs qu’ici et tout de suite. Une exclusivité. C’est le royaume de ceux qui changent de visages et d’histoires, qui s’échappent de leur quotidien pour faire en sorte de pimenter le nôtre. Les théâtres m’apaisent parce qu’ils sont les maisons de ceux qui vivent plusieurs vies, qui vont chercher dans l’imaginaire une manière d’exister, en mieux. J’aime les théâtres parce que ce sont des lieux de transgressions, des lieux pour lesquels les hommes ont refusé les exigences de réussite des sociétés classiques.
Les théâtres m’apaisent parce qu’ils font vivre les mots, parce que dans leur enceinte on s’autorise les mêmes travers qu’en musique. On vient tressaillir d’émotion, on vient chercher ce que le quotidien ne provoque plus vraiment. La nostalgie, la violence et la tristesse; le rire, les sourires et l’espoir. Dans les théâtres, on vient prendre du recul et réfléchir sur ce que nous faisons de nos vies, on revoit nos objectifs, on achève les regrets à coup d’envie, dans un nouvel élan.
J’aime les théâtres parce que ce sont des lieux spéciaux qui exorcisent ou exacerbent nos névroses.
Ce sont des espaces rares où s’exprime l’essentiel.
La musique est de Max Richter, musicien électro et compositeur de musiques de films (Shutter Island, Valse avec Bashir, Elle s’appelait Sarah), elle a été écrite et enregistrée en 2004.
La voix et les paroles sont celles de Dinah Washington, une des plus grandes chanteuses de blues de la première moitié du vingtième siècle. Elle a enregistré ce morceau en 1960…