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Le verbe de Bouvier magnifié

Publié le 29 novembre 2010 par Jlk

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Tonique et inventive, l’adaptation de L’Usage du monde à La passerelle, par Dorian Rossel, fait merveille.

Malgré la rumeur enthousiaste qui s’est répandue dès le lendemain de la première de ce spectacle, c’est avec une pointe de réserve sceptique que je suis allé y assister en fin de semaine passée. Ma double crainte, liée à l’utilisation théâtrale « opportuniste » d’un texte littéraire adulé, ou à une  illustration scénique redondante, a cependant volé en éclats dès les premières séquences, balkaniques, de cette réalisation évitant immédiatement l’illustration folklorique flatteuse qu’aurait pu être la citation de chants ou de musiques tsiganes.

Le lecteur de L’Usage du monde sait l’importance de la musique de chaque région traversée dans le grappillage de Nicolas Bouvier et de son compère peintre Thierry Vernet. Or, le choix délibéré de Dorian Rossel, en phase avec ses camarades comédiens (Rodolphe Dekowski, Karim Kadjar et Delphone Lanza) et musiciens (Anne Gillot et Jérôme Ogier), d’éviter l’allusion musicale directe, autant que les clichés «ethnos» pour la partie visuelle, est l’une des composantes fortes de cette réalisation éminemment musicale au demeurant.

Pour qui ne connaît pas L’Usage du monde, le premier mérite du découpage scénique du récit est de faire sonner son verbe formidablement expressif et suggestif, sensuel et faisant appel à tous les sens.

Dans une scénographie ingénieuse et efficace (Sibylle Kössler) jouant sur un système de plateaux de tables qui deviennent dunes ou fossés, routes ou rochers selon les lieux, avec un beau travail aussi sur la lumière (Claude Burgdorfer), les acteurs se partagent et vivent le récit comme une partition éclatée mais intelligible, qui restitue parfaitement les intensités alternées du récit dans le temps et dans l’espace, évoquant aussi un montage de cinéma.

Routes et déroutes, découvertes et rencontres, fatigues et tribulations composent ainsi une sorte de rhapsodie ponctuée de moments hautement poétiques et  qui aboutit, le temps d’une panne au milieu de nulle part, à un concert saisissant...

Théâtre de Vidy, La Passerelle, jusqu’au 16 décembre. En principe complet, avec liste d’attente. Reprise du 8 au 13 mars 2011 à la Salle Apothéloz.  


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