Y a toujours moyen d’être surpris. Je ne parle pas de ces surprises qu’on attend, une fleur, un mot doux, un baiser dans le cou. Celles-ci, on les provoque. Sciemment ou non, on les appelle de nos voeux, on engage le dialogue, verbal ou non verbal. On minaude, on fait des grâces et la réponse arrive, tôt ou tard…
Non, je parle de celles qui font que l’instant quotidien se transforme en parenthèse enchantée.
On a balancé ses chaussures sur le paillasson, envoyé les clés sur le meuble de l’entrée, jeté notre sac dans le cellier et avec lui les contraintes, le boss, les collègues, les transports, les clients, la boulangère limite aimable, les mails sérieux-sérieux, ceux des copines qui nous ont bien fait marrer aussi.
Le cintre du placard a remplacé nos épaules pour soutenir le trench qui devient un peu léger pour traverser ce froid de canard.
On a déchiqueté les enveloppes en commençant par les officielles, le relevé de compte, la facture d’électricité et en finissant par les envois publicitaires qui proposent les sempiternelles bonnes affaires. On a cherché en vain la carte postale ou l’enveloppe manuscrite… mais les êtres humains n’écrivent plus aujourd’hui !
On a traversé le couloir, pieds nus sur le parquet qui craque, pour filer dans la chambre se débarrasser des vêtements d’apparat, le passeport social. On a ouvert la douche, et on s’attache les cheveux, ça laisse le temps à l’eau chaude de remonter la tuyauterie… On se glisse sous le jet brûlant. Les muscles se détendent, enlacés, comme le reste du corps, par la vapeur et les odeurs de gel douche.
On se sèche, on enfile le vieux tee-shirt et on attend l’Autre. Son appel ou sa présence… un signe qu’on est pas seul.
Alors commence l’escroquerie, on trompe le temps, on entourloupe les heures, on cocufie les minutes.
Chacun ira de sa méthode, l’ouverture d’un livre pour s’évader, une session de surf sur Internet, un abrutissement télévisuel à grands coups de corps prépubères enfermés dans des maisons des secrets ou de reportages culturels pour nourrir son cerveau au repos ou encore un déversement de mots aux téléphone auprès d’une oreille amie.
Et ça fonctionne, le temps passe, le tic tac des aiguilles se synchronise à celui de l’horloge biologique, la fatigue monte, les yeux papillonnent, les gestes se font plus lents.
Le dernier rituel du soir arrive, les madeleines dans le thé, les cookies dans le verre de lait, la dernière cigarette.
Le moment de se glisser dans les draps est là. L’habitude de l’absence de l’Autre aussi, rassurante et triste à la fois. On vérifie une dernière fois que la porte est fermée, on règle le réveil pour demain, on se brosse les dents. On éteint la lumière et on se love dans l’obscurité familière.
Et c’est là, au moment où on s’y attend le moins que le random de la playlist fait son oeuvre. Il est minuit et la station d’accueil de l’Ipod balance un titre, tout doux. L’ambiance du début de la nuit : « …always cry for love, never cry for pain… »
J’ai croisé le chemin de Capuche quand j’ai publié cette série d’articles que j’aime particulièrement. Elle faisait le pied de grue à minuit tous les soirs pour lire et écouter le billet suivant. Pour être honnête, je ne connais pas grand chose d’elle, mais j’aime beaucoup son sens de l’écriture. Elle a déjà publié sur Voldemag et je suis sensible à sa manière quasi-scénaristique de nous raconter (ses) des histoires. J’aime bien Capuche, vraiment.
Je vous laisse, je ne suis pas très calé en Prince parce qu’à priori, c’est pas vraiment ce vers quoi j’irais spontanément. Mais ce morceau-là… il y a quelque chose.