Et s’il n’en restait qu’une, ce serait celle-là…

Publié le 01 décembre 2010 par Anaïs Valente

Il est, comme ça, dans la vie, des profs qui marquent.  Qui laissent une empreinte indélébile sur le passé.  Sur notre passé.  Qui ne font que passer, mais qui sont toujours là, dans le fond des pensées, des années (argh, des décennies) plus tard.

Bien sûr, il peut y en avoir plusieurs.  Des tas, même.  Qui marquent.  D’une parole douce.  D’un geste amical.  Ou au fer rouge.  Qui traumatisent.  Qui tourneboulent.  Qui angoissent.

Et en ce moment, j’ignore pourquoi, enfin si, je sais pourquoi, quand j’y réfléchis bien, mais ce serait vraiment trop trop long à vous expliquer (et si moi-même, je dis ça, imaginez ce que ça donnerait, des pages et des pages d’explications), je suis à fond plongée dans mon passé scolaire.

Bien sûr, cela a commencé en maternelle.  Elle était sœur.  Bonne sœur quoi.  Et adorable.  Pas trop de souvenirs précis, mais une sensation positive.  Un souvenir global qui marque.  Au point que quand, dans un élan de folie absolue, je m’étais persuadée que ma vocation, c’était d’être instit’ (pourtant, je le jure, je n’étais pas sous l’emprise de substances illicites durant mon adolescence), j’ai fait un stage dans son école.  Elle n’était plus sœur.  Le système l’avait forcée à faire un choix.  Elle l’avait fait.

Etonnamment, en primaires, rien.  Que dalle. Nada.  Niente.  J’ai beau me creuser le gruyère, vraiment rien.  Pas la moindre petite instit attachante ou stressante.

En graduat, rien de transcendant non plus, à part ma responsable de TFE.  Mon choix, bien sûr.  Ça lui a pas fait beaucoup de boulot, car si moi y’en avait être nulle en langues (ce qui explique que j’ai choisi des études basées sur les langues, en toute logique), moi y’en avait aimer écrire, déjà.  Et mon TFE, il était bon (keske je suis modeste).  Je l’ai mal défendu à l’oral, ça c’est clair, mais il était bon.  Donc une prof qui laisse une jolie sensation.  Qui a d’ailleurs fait une brève apparition sur ce blog, un jour, étonnée de m’avoir vue dans sa lucarne.  Y’a pas de hasard.  Je l’aimais bien, voilà tout.  Elle était souriante, et gentille. Pétillante.

Et en rénové (rénové ou rénovées ?), y’a eu de la matière.  Souvent fétide… enfin non j’exagère, pas fétide, mais pas dans le genre « super bon souvenir », vous voyez.  Plutôt dans le genre traumatisme absolu.

Premier trauma.  La prof de gym sadique qui adooore obliger ses élèves à faire des acrobaties sur des engins aux noms barbares : plint, bok, barres parallèles, barres asymétriques, tapis de sol...  J’étais en échec permanent.  Je tremblais durant tout le cours, pauvre petite chose fragile que j’étais.  Et pourtant, je ne peux dire que je ne l’aimais pas.  Elle m’a toujours mis 50 %, pour sauver mon honneur.  Pour l’intention.  Pour l’encouragement.  C’était le seul cours où j’étais presque en échec, faut le faire.  Rhaaaa, un billet entier suffirait à en parler.  Allez, adjugé, billet suivra… un jour (je sais, je dois encore vous narrer la conclusion avec ex-profil de ma vie, je sais je sais).

Second trauma, mais le pire. Le prof d’anglais terrorisant (mais pas terroriste) qu’on guettait à la porte, croisant doigts et orteils pour qu’il soit malade.  Et lorsque le miracle se produisait, c’était le bonheur absolu et intégral pour toute la journée.  C’était rare.  Trop rare.  Le trauma des oraux en tête-à-tête avec lui.  Et pourtant, maintenant, j’aime l’anglais.  Va comprendre.  A-t-il jamais su les angoisses qu’il créait ?

Mais tout ça, tous ceux-là, ce sont ceux qui passent, qui laissent une petite trace.  Puis au revoir, merci, à bientôt peut-être, mais sans doute à jamais, ainsi va la vie.

Et puis il y a LE prof.  THE teacher (vous voyez, j’aime l’anglais).  L’empreinte indélébile.  Celui dont on dit « sans lui, je ne serais peut-être pas totalement celle que je suis maintenant » (qui a dit « dommage » ?).

Ce prof qu’on n’oubliera jamais.  Celui dont on se souvient du nom, contrairement aux autres, même vingt-cinq ans plus tard.  Celui qui était plus qu’un prof.  Celui qui rassure.  Qui aide. Qui encourage.  Qui est.  Qui fait être.  Celui pour qui on n’a pas l’impression d’être un élève parmi trente.  Parmi cent.

Celui-là, c’est celui à qui on pense directement, lorsque nos pensées se tournent vers notre passé.  Avec un petit pincement au cœur.  Une bouffée de nostalgie et d’affection.

En l’occurrence, pour moi, celui-là, c’est celle-là.

C’était au temps oùsque j’étais un petit oisillon effrayé.  Mais néanmoins déjà râleur, l’oisillon, ça va de soi.

Elle m’a encouragée lorsqu’il le fallait.

Elle m’a mis des livres en mains, détectant ce qui me plairait (L’écume des jours, un souvenir incroyable).

Elle m’a rassurée lorsque j’avais une note moyenne (en latin, bigre) et que j’appréhendais les représailles maternelles, s’engageant à argumenter en ma faveur lors de la remise officielle du bulletin. Keske j’ai eu peur ce jour là.  Keske je me suis accrochée à elle comme à une bouée.  Elle n’a pu le faire, me défendre, car j’ai reçu mon bulletin seule, finalement, totalement seule.  Mais l’intention y était.  Les représailles aussi.

Elle nous faisait rire.  Elle avait même lâché un énoooorme lapsus par rapport au nom d’un élève, absent, puis nous avait fait promettre le silence absolu.  On avait bien ri.  On s’était tus.  Car on avait promis.  Ce lapsus, je l’ai croisé un jour par hasard.  Y’a pas de hasard.  Ça doit être ça, la complicité.

Elle avait un jour crié "ça suffat comme ci", dans un accès de colère vite transformé en fou-rire.  je la ressors souvent, celle-là, tant je l'aime.

Elle parvenait à nous faire aimer son cours.  Pas d’ennui.  Une sensation de passion.  Attraction.  Intérêt.

Elle parvenait à être comme une maman poule pour les jeunes élèves que nous étions à l’époque.  Une maman poule pour une nuée de poussins, année après année.

Elle était notre maman à l’école, finalement.

Une maman pour moi.  Protectrice.  Montrant le chemin.  Stimulant les talents.  Faisant naître les envies.  Complice.

Elle était tout sourire, avec son look un peu excentrique.  En tout cas dans ma tête de môme pas encore totalement sortie de l’enfance, qui ne rêvait d’ailleurs que d’y rester encore un tout petit peu. 

C’est la seule à laquelle j’ai écrit lorsqu’elle a pris sa pension. 

Pour dire merci.  Ben oui, merci.  Simplement merci.

Passque finalement, des profs comme ça, qui sont comme des Pères Noël dans nos vies, enfin ici plutôt comme une Mère Noëlle, c’est tellement rare, tellement précieux, que ça marque un gosse.  Pour toujours.

Alors si un jour vous la croisez, ma Mère Noëlle, dites-lui juste que je ne l’ai pas oubliée.

Et vous, vous avez aussi, dans un coin de votre tête, un prof de cette espèce rare et précieuse, peut-être même en voie de disparition ?

PS : ce billet a plusieurs mois déjà… Au hasard des 159 pages que compte ce document « réserve de recrutement de billets », cherchant quelque chose à vous publier, je suis tombée dessus ce jour, le lendemain de la vision de « Fracture », ce téléfilm bouleversant sur l’enseignement, diffusé mardi sur France 2.  Y’a pas de hasard, je vous dis…