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Le cadavre... (24e livraison)

Publié le 14 janvier 2008 par Coquenart

Mademoiselle Marguerite… Les autres… Mieux valait ne pas parler des autres… Ce bon à rien de Charles, toujours fourré par monts et par vaux, à la recherche de quelque nouvelle combine… Un vaurien, incapable d’apprendre même correctement à manier une arme… Catherine, froussarde comme pas une, qui s’était fait avoir par son coquin de mari, encore un chenapan de la pire espèce, celui-là… La pauvre Catherine… Qu’est-ce qu’elle manigançait encore ? Déjà enfant, elle était plus secrète, plus réservée que les autres. Elle vous regardait sournoisement, sans rien dire, du coin de l’œil, ayant l’air de vous jauger, et elle se dérobait à la moindre approche. Une retorse, une cachottière, voilà ce qu’elle était…
Quant à Marie… Marie n’était pas froussarde, oh non ! Bien au contraire… Marie vous regardait de ses grands yeux de petite fille sage, les cheveux bien peignés, la robe ajustée, et l’instant d’après grimpait sur le bahut pour saisir une dague ancienne accrochée au mur avec laquelle elle s’amusait à poursuivre les chats du voisinage. Une petite effrontée, une enjôleuse, et de l’audace avec ça ! Tout compte fait, peut-être était-ce elle qui avait hérité des qualités de son père… Allez savoir… Mais chez une fille… Non décidément, rien ne tournait plus rond…
Maudite bouteille… Quelle idée avait eue Charles vraiment ! Vouloir boire du vin à cette heure de la journée… Il n’en faisait jamais d’autre. Au diable les excentriques ! Et cette porte de chêne… si lourde, si lourde… Ses vieux os n’en pouvaient plus… un jour, ils craqueraient, c’était sûr, ils tomberaient en poussière… Et plus personne, alors, pour s’occuper du maître… Oh, non, plus personne ! Mademoiselle Marguerite aurait pu le faire, à la rigueur, mais elle était obligée de retourner dans son couvent.
Encore quelques marches, puis le couloir… Trop sombre… Heureusement qu’il connaissait les moindres recoins de cette demeure, sans quoi, il aurait fait la culbute à chaque pas…
Des cris ? Oui, c’était bien des cris. On aurait dit la voix de Charles et celle de Marguerite. Une dispute comme tant d’autres sans doute. Où Marguerite reprochait à Charles ses écarts de conduite, et où Charles refusait ce qu’il appelait en persiflant ses « sermons ». Rien de nouveau sous le soleil… Les cris augmentent… Les pauvres fous… En quoi cela les avançait-il ? Charles ne rentrerait pas dans le droit chemin, et Marguerite reprendrait infailliblement celui de son couvent… Ils n’avaient encore assez vécu pour comprendre l’inanité de la parole… Quand ils auraient son âge…
Que faire ? Entrer et déposer la bouteille ? Rejoindre le maître, en attendant que la tempête se soit calmée ? Mais il serait furieux de voir qu’on avait touché aux précieuses bouteilles de sa cave sans sa permission ! Un bon tour à jouer à ce vaurien de Charles…
Tant pis ! C’était trop risqué ! Voilà, c’était fait. La bouteille était arrivée à bon port. Quelle tête ils avaient, décidément, tous les deux, Marguerite et Charles, à se disputer sans cesse ! Il était arrivé au mauvais moment…
Et puis, le maître avait sonné… Il devait répondre au plus vite, sans quoi… Qui sait ce qui pouvait arriver ?
Encore quelques pas… La lourde porte à double battant… Encore un effort… Il faisait toujours sombre dans cette maudite pièce… Tiens, le feu s’était éteint… Voilà sans doute pourquoi le maître avait sonné… Curieux, cette position qu’avait le maître… Jamais encore, il n’avait plié son bras ainsi… Et sa tête… il n’avait pas l’air bien, vraiment…
Mais… Mais… Était-ce possible ? Mais… Mon Dieu… mon Dieu… je ne rêve pas… Cette chose qui brille…
Impossible ! Mon Dieu… Et ce corps qui est là…


Froid… Froid…



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