L'autre image du patriarche

Publié le 04 décembre 2010 par Papote

Le coup de téléphone et la nouvelle : mon Grand Lebrac est mort.
Il n'est pas décédé. Non, il est mort.
C'est plus sec, ça claque, c'est net, c'est violent comme la façon dont mon esprit et mon coeur ont reçu la nouvelle.

J'ai hésité avant de prendre le clavier pour en parler ici.
Pas envie d'étaler ma peine mais très fortement envie de lui rendre hommage, de parler de lui.
La balance a oscillé puis a fini par pencher.

L'autre image du patriarche, du grand-père que je n'ai pas connu et qu'il n'était pas puisque c'était un cousin de Monsieur Père. Pourtant, j'ai toujours eu ce sentiment.
Même quand j'étais petite, c'était déjà un vieux monsieur alors que mon père ne l'est toujours pas à mes yeux, même aujourd'hui alors qu'ils n'ont que quatre ans d'écart.
Monsieur Père EST le patriarche de la famille, Grand Lebrac ne l'était pas dans les faits mais il l'était dans mon coeur...
On m'a dit : l'autre image du patriarche !
Ce n'est pas tout à fait faux...

Pourquoi une toute petite fille s'attache comme ça à un monsieur qu'elle ne voit que très ponctuellement (même pas une fois par an) et pourquoi ce monsieur éprouve de la tendresse pour cette petite fille, qui n'est que la fille de son cousin ?
Il n'est pas le seul cousin de Monsieur Père et je le fréquentais vraiment très très peu. Pourquoi lui ?
Il y a des mystères, des liens incompréhensibles à l'oeil nu et même pour moi...
C'est comme ça.

Il avait le physique d'un acteur d'après guerre. Je me souviens de sa voix un peu caverneuse. De son pouce qui avait été amputé et qui m'impressionnait beaucoup.
C'était l'aîné des cousins, celui qui menait la bande (d'où le surnom que je lui ai donné, tiré de "La guerre des boutons").
Quand je préparais les cartes de voeux pour la famille avec une photo de P'tite Louloute, c'est d'abord à sa femme et à lui que je pensais, à leur plaisir en ouvrant l'enveloppe et je savais aussi que j'aurais une réponse très gentille, très tendre écrite par chacun.
Oui, contrairement à beaucoup d'hommes qui se déchargent sur leur épouse de ce genre de tâche, lui, il le faisait de sa main.
Il avait une belle écriture...

Je me souviens du jour de mon mariage.
Ils n'étaient pas sûrs de pouvoir être là.
Oh quand je les ai vus sur le parvis de l'église ! Pffffffffffffff...
Il y a une photo de ce moment... Le photographe m'avait dit qu'il avait surpris ce moment-là et qu'il n'avait pas pu passer à côté de l'émotion qui transparaissait.

Je pense à son épouse. J'aimerais pouvoir la prendre dans mes bras. Elle est tellement gentille et elle l'aimait tellement.
J'aurais tellement voulu y être mardi mais je ne peux pas et j'ai l'impression de le trahir, de l'abandonner...
Sans doute, parce que je déteste les mises en terre. C'est le pire moment. L'idée de laisser celui ou celle qu'on aime seul, dans le froid et la nuit alors que nous retournons au monde des vivants.
Je n'aime pas les cimetières à cause de toutes ces âmes abandonnées qui, me semble-t'il, n'aspirent qu'à une pensée de quelqu'un de temps en temps, un souvenir de ceux qui sont encore là.
Mais j'aurais voulu y être pour l'accompagner, lui dire que j'étais là, que nous étions tous là.

Mon Grand Lebrac est mort.

A bientôt !

La Papote