Tram

Il y a eu un temps où je prenais ce tram dans la nuit, deux ou trois fois par semaine. J’étais fatigué. Je me voulais poreux, ouvert à ces fragments de verre sur le trottoir, à cette poubelle débordante, à la femme aux cheveux blancs avec ses grandes boucles d’oreille en plastique orange.

Monté à cet arrêt banlieusard, j’étais presque seul dans le véhicule. Au fond, un jeune homme en survêtement dodelinait sa tête casquettée au rythme d’une musique qui montait dans des fils blancs vers ses oreilles. Des maisons avec jardins sombres passaient, puis des immeubles HLM aux fenêtres éclairées.

On entrait dans la ville. C’était comme une lente remontée des profondeurs, un chemin inverse à la vieillesse, vers la chaleur, les lumières et le bruit. Je voyais l’animation des cafés, les passants pressés, leurs neurones crépitant d’alcool et de mots. Il me semblait aller vers la vie.