Journal d'une âme : Le mal, les chaînes et le libre arbitre (6-12-2010)

Publié le 06 décembre 2010 par Manus

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                 Photo du site fortune.fdesouche.com

J’ai toujours été fascinée par les ténèbres.  Par le mal.  Non pas qu’il m’attire, il m’hypnotise plutôt. 

Face au mal, au monde des ténèbres, à l’inconscient refoulé aussi, je suis comme assise au bord d’un rocher surplombant ce grouillement sombre, et je contemple. 

Il ne s’agit pas de voyeurisme, c’est bien autre chose.  C’est être spectatrice des mouvements les plus obscurs qui régissent l’être.  C’est conceptualiser chez d’autres ce fil ténu que nous possédons tous.  C’est se dire que si la passion de l’amour nous dévore, nous pouvons tout autant vivre la destruction la plus absolue par son contraire.

Je me suis souvent demandée ce qu’était réellement, le mal.

Pour avoir été moi-même pendant des années dans les galeries dépourvues de lumière, le front butant sur la roche, les yeux aveuglés, les ongles écorchés à creuser sans cesse vers une sortie, je crois pouvoir dire que le mal est pour une grande part composé de notre inconscient.

Cet inconscient qui agit en nous comme des chaînes que nous refusons de voir, nous ligotent de l’intérieur par les pieds pour nous aspirer vers les abysses.

Ces chaînes relèvent pour la plupart de notre passé ; de souffrances liées à notre enfance ; de coups et de blessures reçus tout au long de notre vie que nous sommes incapables d’assumer, tant les entailles nous ont meurtris.

D’autres maillons renforcent ces chaînes en provenant d’un passé encore plus reculé : celles refoulées par nos parents, qui eux aussi subissent les entraves non résolues de leurs parents à eux, de leurs grands-parents, ainsi de suite, jusqu’à l’origine du  monde.

Il résulte que non seulement notre inconscient refoule nos souffrances liées à notre vécu, mais également l’inconscient issu depuis des générations jusqu’au premier homme dont nous sommes aujourd’hui ce que nous sommes.

Notre chair et notre âme sont marqués au fer rouge par tous ceux qui nous ont précédés, avec une force tout aussi violente que l’impact de notre propre vie engendrée chez nous.

Nous sommes donc, sans le savoir pour la plupart – d’où l’inconscient – prisonnier de nous-mêmes, mais aussi de nos prédécesseurs.

La conséquence est limpide : notre inconscient étant tel, qu’il nous induit à transmettre les gestes, les pensées, les paroles et les actes en mimétisme depuis des siècles des siècles.  Renforcés en cela, par la lourdeur de ce que nous réfutons de notre vie personnelle.

Je pense, intrinsèquement, que c’est avant tout à partir de cet angle qu’il faut essayer de comprendre le mal : le refus de voir, de savoir ce qui se trame au cœur de notre âme ; la lâcheté de ne souhaiter remonter la lignée pour casser cette transmission paralysant les êtres sur des générations.

Bien entendu, il y a ceux qui, volontairement, consciemment, refusent la remise en question, et choisissent, en connaissance de soi et de cause, de poser des actes, de tendre vers une voie allant à l’encontre de l’amour.

Ténèbres, dans cette idée développée, car il s’y pose comme un refus de la vérité :  les actes posés sont mus par ce que nous ne décidons pas réellement, poussés que nous sommes par tous ces autres qui nous ont précédés, soumis à notre inconscient qui agit en nous comme un marionnettiste ; autrement dit : le contraire de la recherche de vérité, c’est l’enlisement dans le mensonge.

La liberté ne réside donc pas à faire ce que l’on veut, comme l’on veut, où l’on veut.

La vraie liberté se découvre, je crois, par un inconscient constamment vécu à la lumière de notre conscience, avec ce que cela implique : se défaire de ces chaînes remontant de la nuit des temps jusqu’à notre vie.

A chaque maillon rompu – prenons un seul exemple : l’alcoolisme se transmettant depuis des générations, avec tout ce que cela comporte comme conséquence dont une structure de personnalité –, la conscience s’ouvre davantage à l’air libre, un peu comme un sac au fond de l’océan lesté graduellement des pierres qui y sont attachées ; l’être, en prenant conscience au fur et à mesure de ce qui a jalonné sa vie et « ses vies », aura les mains de plus en plus libres, le cœur de plus en plus transparent, l’âme de plus en plus légère pour tendre vers la lumière.

Ca m’a toujours fait marrer d’entendre des gens se proclamer comme étant des personnes ayant choisi la liberté.  Je me suis souvent demandé ce qu’ils appelaient liberté : faire ce qu’on veut ?

La vaste blague.

Non, je ne suis pas sarcastique, d’ailleurs ce n’est pas mon genre.

J’essaye  juste de comprendre cette liberté revendiquée et celle qui me semble être la véritable liberté : faire ce que l’on veut, comme on veut, où l’on veut me semble conduire davantage à l’aliénation de ses désirs, à l’enchaînement de soi, plutôt que cette liberté que j’évoque plus haut, celle de la libération de soi par l’intériorité recherchée, renforcée, exigée et affrontée.

Si je suis donc fascinée par les ténèbres, c’est aussi parce que la violence qu’elle peut représenter, permet tout autant d’engendrer la lumière la plus pure et la plus éclatante.

J’ai l’intime conviction, par mon vécu notamment, par la réflexion que je pose depuis longtemps sur le fonctionnement de l’âme et de la psychologie, que la lumière jaillit d’un monde sombre et froid ; que l’amour naît de zones cloisonnées et dures.

Mais une fois cette lumière goûtée, on ne demande qu’une seule chose : se libérer encore et encore de soi pour s’élever jusqu’à embrasser cette source d’amour dans un désir de fusion absolu.

La conscience ouvre à la lumière ; le pardon nous y conduit.

Savina