Magazine Journal intime

Jour 34

Publié le 08 décembre 2010 par Miimii
Jour 34

Sous le choc de la nouvelle, je n’arrive même pas à poser de questions... je ne sais pas quoi faire... et je ne vois pas ce qui a bien pu se passer, comme est-ce arrivé ?

Un accident de voiture ? Un accident de couteau le jour de l’Aïd ?

Quelle catastrophe ! Comment se peut-il que des choses comme celles là arrivent ?

La vie est-elle si injuste ?

Comment a-t-il pu l’abandonner comme ça ?

Est-ce une punition divine pour elle ?

Pourquoi le sort s’acharne-t-il sur Rania ?

Et maintenant, cet orphelin qui va naître, de quoi est-il coupable ?

Est-ce désormais plus facile d’envisager cette grossesse qui n’est plus illégale, moralement proscrite mais plus tôt monoparentale ?

.... Je la regarde, elle n’y croit pas encore... comment je peux l’aider ?

Elle a arrêté de pleurer, au moins une heure est déjà passée... on était silencieuse toutes les deux... chacune sur un rebord du canapé, je pleure aussi mais je ne sais pas pourquoi ?

Je ne le connais même pas ce type, mais j’ai pressenti peut être, j’ai ce pif, qui sent les choses arriver, une malédiction...

Rania est le genre d’amie qui ne te laisse pas de marge de manœuvre en termes de gestion d’amitié. On ne peut pas lui dire qu’on n’est pas d’accord avec elle. Ayant une très forte personnalité... elle ne se laisse pas dissuader... La dernière fois que j’ai essayé de lui dire qu’il fallait, peut être, envisager de changer de vie... elle l’a fait en prenant ses bagages et en partant... mais là, je la regarde... elle est incapable de bouger de ce canapé... avec ce petit ventre qu’on aperçoit à peine, comme si elle avait juste pris un peu de poids...

Qu’allait-elle faire ?

Aller à l’enterrement ?

Rencontrer sa femme ?

Et pleurer comme une veuve ?

Provoquer un scandale et dire que l’enfant vient de lui ?

Entacher sa mémoire ?

Le traiter de lâche à titre posthume et publiquement ?... Que ferais-je à sa place ?...

Je pense que j’aurais simplement envie de le rejoindre... face au constat de ne plus jamais le voir ou le toucher... face au constat de devoir passer des mois de grossesse seule ... et de prendre soin du fruit de notre amour sans lui et cela, pour la vie...Elle me parle enfin, et me dit : « Je n’aurais jamais le courage d’aller seule... tu viens avec moi ». Sur un ton ferme, c’était presque un ordre. Non, pas presque, c’était un ordre.« Oui, ma chérie, on ira où tu veux. »

« A l’enterrement, et chez mes parents, pour leur expliquer »

Et, elle a pris une douche, s’est mise en pyjama et est venue me voir au salon. Par respect, je n’ai même pas allumé la télé, mis mon téléphone en mode silencieux, et de toutes les façons, je n’avais pas le cœur à faire quoique ce soit, la mort est la seule chose qui me fasse réellement peur dans ma phobie de perdre le contrôle, la mort reste pour moi la seule inconnue.

Elle me dit : « C’est son meilleur ami qui m’a appelé quand tu es sortie. Il m’a dit qu’il a eu un arrêt cardiaque le soir de l’Aïd. En fin de journée, il ne s’est pas réveillé ce matin, que l’enterrement c’est demain, parce qu’ils attendent sa sœur qui arrive d’Allemagne. »

Je ne savais pas quoi dire.Elle ne disait rien non plus, mais elle avait l’air de se forcer à être dure. Elle avait peur de s’effondrer, et se l’interdisait. Ce qui fait qu’elle et moi soyons amies, nous nous retrouvons dans cette peur de perdre pied, je pense que c’est une malédiction parce qu’en la voyant je me rends compte à quel point c’est une torture.Je la prends dans mes bras et je lui dis « Je suis là, même si je ne peux pas faire grand-chose... fais attention à toi », mais elle est rigide, elle refuse de se laisser aller.

Elle me regarde, dans l’âme, tellement ses yeux criaient au secours, elle disparaît dans sa chambre.

Je me sentais affreusement mal, je ne pouvais pas me coucher, j’étais trop sur mes nerfs. Je ne pouvais pas sortir et la laisser seule, je ne pouvais pas faire de bruit pour ne pas risquer de la réveiller au cas où elle trouverait le sommeil. Je me met au lit, ... je me retourne dans tous les sens. Je me relève, j’ai besoin de me calmer, je suis au bord de la crise de nerfs. Je tourne en rond dans ma chambre... rien ne me calme sauf de prendre le livre préféré et seul lègue de ma grand-mère : son livre de Coran et je me mets à lire. Je pleure... sans m’en rendre compte, je pense que ça m’a apaisée, calmée, rassurée... Les gens bons n’ont rien à craindre de la mort... J’ai tu ma culpabilité qui me mettait si mal à l’aise pour pouvoir trouver un semblant de sommeil. Rania en pleur m’a réveillée, je suis entrée dans sa chambre elle pleurait et elle disait « Pourquoi mon Dieu ? ».

Rania qui n’a jamais cru en Dieu (celui de l’Islam et du Coran), se considérant comme déiste et qui ne veut prendre en considération aucun écrit, qui considère comme des « moutons endoctrinés » ceux qui suivent les préceptes de n’importe quelle religion couchée sur un livre sacré par les hommes... Celle dont le Dieu a toujours été « On n’a que ce qu’on mérite » tant qu’il ne s’agit pas d’elle...

Aujourd’hui mérite-t-elle ce qui lui arrive ?

Est-elle toujours accrochée à ses convictions alors que toute sa vie elle a nié pouvoir s’accrocher à une puissance « divine » (au sens propre et figuré) qui serait pleine de bonté, tout en dictant une conduite qui ne convient pas à tout le monde, pardonnant pourtant ceux qui font quelques écarts, exilant les autres en enfer, et gratifiant les exécutants d’une place sous le soleil du paradis... Est-ce le jour de son jugement ?

Est-ce-son premier jour en enfer pour avoir été mécréante ?

Mais pourquoi l’enfant qu’elle a choisi de faire et qui est aussi une volonté de la nature et par conséquent du Dieu (de l’Islam et du Coran) va-t-il naître en enfer ?

Peut être que cet enfant sera la punition... peut être qu’il sera l’enfer...Je suis au pas de sa porte, alors qu’elle pleure encore... ma réflexion me dérange, je préfère l’arrêter et accepter que la vie peut parfois être injuste et me rassurant en me disant que c’est peut être un accident dont on sortira plus fort... Je la rejoins dans son lit, je la prends dans mes bras, pose les mains sur son ventre, je sens son cœur battre et je passe la nuit à m’assurer qu’elle vit encore. Demain est un jour difficile...


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