Maintenant, l’homme et la femme se parlent tous deux. Enfin, parler, c’est peu dire. Chaque mot lancé par l’un est une invective lancée à l’autre pour être mordue, mise à sang et renvoyée de plus belle pour subir la même boucherie dans le camp adverse. Le métro tangue. Nous assistons tous médusés à cet homme et cette femme qui se mettent en pièce pour rien, à cette magistrale scène de ménage qui se déroule sous nos yeux fatigués. Ca serait presque drôle si nous n’étions pas tous collés-serrés et harassés par nos quotidiens…
L’homme et la femme continuent, ils sont les seuls assis sur les strapontins -ce qui sied mal à leur colère- et se contre-fichent de nous les sardines qui les entourent. J’en ai assez de leur spectacle, j’aimerais qu’ils se taisent, enfin. Tant de vitalité rageuse, ça me fatigue…
Tou d’un coup, je sais. la lap-danseuse renait en moi, je me glisse comme une anguille entre mes sardines jusqu’à eux, Miss Drama Queen et Mister Dram King. Et l’air de rien, je pose mes belles fesses sur celles de Monsieur, de la même manière que je me serai assise sur un strapontin vide. Au moins, maintenant, ils auront une bonne raison de s’engueuler.
Silence. L’homme et la femme, bouches bées; lui rougit, il n’ose plus bouger. La femme éclate de rire, enfin:
- Eh bien, on dirait que, malgré tout ton boucan, ON ne t’ait pas vu!