…Et je rêvai, encore, de ce livre que je n’ai jamais écrit. J’en rêvais, toutes les fois, où je me gavais de lectures orgiaques. Je lisais beaucoup, et je lis encore, tous les jours, dans tous les lieux, jusqu’à la lie de ce verbe que ces Messieurs ont dompté, et on réduit à la Merci de leur talent, pour faire de leurs plumes, les messagères fidèles de leurs pensées, leur folie et leur sagesse !
Je lisais DUMAS, DUHAMEL, ST EXUPERY et d’autres maîtres…Et pendant ces moments là, je vogais sur les flots de mon verbe qui se faisait plus riche encore, que jamais. J’étais ivre ! J’étais émoussé des plus belles tournures et autres phrases moulues par des mains d’orfèvre, qu’a pu tisser tel ou tel homme, un jour, quelque part, dans sa bibliothèque, dans un train roulant de nuit, voire dans quelque bistrot ou café de ses habitudes ou sur son lit de fièvre…
Ce qui m’a, toujours, fasciné chez les écrivains, c’est que tout autant qu’ils étaient des stars, des célébrités de leur monde, ils savaient rester humain, par leur volonté ou par le simple de ce qu’ils étaient et ce qu’ils sont encore de ce temps. Des Hommes dont l’humanité est le trait le plus apparent, et que j’ai, toujours, sentis proches de mon être ! Il faut être fou, ou savoir faire preuve de haute mansuétude, pour oser écrire. Car quand on écrit, quoi que pour raconter une fable, tresser une histoire imaginaire, même pour mentir, on finit, inexorablement, par dire la vérité…
Je ne suis pas fou de dire cela, ou le penser, pourtant je n’ai jamais osé…J’ai toujours eu peur d’être autre que moi-même, de n’être qu’une âme miroir.
Mais aujourd’hui, point la folie ne me fait peur, elle me dominera plus par la menace de son joug, dans le regard et les mots des autres à mon égard. Car je suis arrivé… ! Car depuis le temps où je marchais sur le fil de mes maux par mes mots, j’ai appris à délier ces derniers…Il sera ce que sera !
Un livre ne s’écrit pas en un an, un mois, voire plus ou peu que cela. Un livre est ! Il est parce qu’il a toujours existé, parce qu’il ne faut que le temps de joindre ses bouts par une reliure, parce qu’on n’écrit pas un livre, on le raconte, et si on le raconte c’est qu’on le connaît…J’ai écrit ce livre, tellement de fois que je le connais pas cœur, et le reconnais aussi… Je n’ai, donc, qu’à suivre le sillon et la semence viendra, d’elle seule, féconde par le souvenir de l’origine du cru de mon être…Je suis l’essence d’un rêve, mais mon livre, lui, est la vérité de mon essence ! Mon livre est…mon MOI !
Et je me rends compte, tout d’un coup, qu’écrire est facile. Ecrire est un jeu d’enfants. Car quand on est enfant, on joue. Car quand on est enfant, on se tue à jouer. Joue ! Joue ! Tu seras écrivain. Ecris ! Tu redeviendras enfant. Ecris, et puis raconte ! Raconte-nous, tout ce que ton cœur connaît comme contes de fées, comme comptes de faits, comme récits fantastiques… Fais de tes pensées pudiques, des cris viscéraux, fais nous rêver avec toi d’un fils du peuple qui est devenu Roi et de ce Roi qui n’avait pas de peuple…Joue ! Encore et encore. Mais n’oublies pas de jouer de tes maux avant de jouer avec tes mots, car si, le verbe, tu peux trahir, la douleur non ! Joue, bon sang ! Joue aussi au bonheur ! Qui sait ? Peut-être que tu le trouveras, ou c’est lui qui finira par te trouver. Là bas, ici ou ailleurs…Joues !
Tu ne perds rien ! Car tu joues, d’abord, de rien, à rien, et puis tu joues, justement, pour rien…Joue !