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Ôde au Pôle

Publié le 06 décembre 2010 par Almiragulsh @DBEDF
Ceci est un message écrit du fin fond du trou du cul de la déchéance sociale. J'ai nommé... le chômage.
Cette honteuse maladie, celle des flemmards, des pas doués, des glandeurs, je l'ai attrapée, salement. Naïve et innocente telle la biche en pleine saison de la chasse, je croyais que cette merde, ça ne pouvait arriver qu'aux autres. Je m'y attendais pas du tout pourtant. Un jour, t'as un contrat à durée déterminée précaire et mal payé, et le lendemain, pof. Plus rien. Pourtant, ma mamie me l'a dit "les chômeurs, c'est rien que des branleurs, du travail, y'en a à la pelle. S'ils en trouvent pas, c'est qu'ils cherchent pas." Ma mamie a la science infuse, mais son horloge biologique s'est arrêtée avant le choc pétrolier de 73. 
Au début, le chômage, c'est attrayant. Tu n'as plus besoin de sortir de chez toi, donc tu n'as plus besoin de te laver. En hiver c'est une bonne nouvelle, parce que la sortie de douche tout nu et tout mouillé quand dehors il fait froid, c'est psychologiquement pas évident. Je préfère encore sentir le fennec et avoir le cuir chevelu qui me gratte. Autre avantage, toujours parce que tu n'as pas besoin de mettre le nez dehors, tu n'as pas besoin non plus de te faire chier devant ton armoire pour trouver un pull assorti à tes collants eux mêmes assortis à ton écharpe. Le matin (vers 11h43), tu sautes dans un pantalon de jogging, un polaire rouge et des guêtres en pilou à rayures multicolores. Et tu peux garder les charentaises aux pieds jusqu'à plus soif. 
Autre avantage du chômage: tu peux te faire des nouveaux copains dans les files d'attente du pôle emploi et tu peux aussi tester toutes les blagues que t'as potassé pendant des heures sur ton conseiller. Ah et tu peux aller aussi à toutes les séances de cinéma pas chères aussi. Celles de 11h00. Enfin, si t'es debout à ce moment là. Puis tu peux aller à la fnac quand il y a personnes aux caisses, et aller faire ton shopping chez H&M à un moment ou personne n'attend aux cabines d'essayages. Et puis t'as des réductions partout. 
Le chômage, c'est un peu le rêve éveillé. Mais tu sais bien que c'est pas une fin en soi. La preuve, en soirée, lorsque tu annonces fièrement avec un savant mouvement de cheveux gras que t'es au chomedu, soit les gens prennent un air de cocker malheureux, soit ils partent vite parce qu'ils ont du lait sur le feu. Tu déchantes vite: ne pas avoir de travail, c'est tout de même drôlement ennuyant à la fin.

Ôde au Pôle

l'enfer a un nom et des portes vitrées coulissantes


Déjà, tu vas sur le site du pôle emploi, qui est aussi sexy que les toilettes d'un pub un samedi en toute fin de soirée. T'es plein de bonne volonté, tu sais que le chômage, c'est pas glamouro-sexy, alors tu veux trouver un travail. Alors tu vas consulter les offres d'emploi. Comme tu sais très bien le métier que tu veux faire, dans la case je cherche un emploi de... tu mets, confiant et plein d'espoir "sexeur de poulet" (t'as un master de masturbation intellectuelle, c'est pour ça). Evidemment, le pôle emploi, il connaît pas la noble profession de sexeur de poulet. Et il te met un premier vent. Mais tu te crois plus malin que lui. Tu vas chercher par secteur d'activités. T'en choisis un avec des animaux dedans. Et le pôle emploi, qui a décidé de t'emmerder, va te proposer uniquement des annonces d'élagueurs et de tractoristes. Le pôle emploi t'a coupé la chique. Alors tu fais ta télécandidature, c'est moderne, puis on sait jamais, élagueur ça peut être sympa aussi. Et surtout c'est bien fait. Ils te demandent d'écrire ta biographie en 140 caractères, comme ils se sont cru sur twitter, tu leur fait un petit #followfriday ou un #jeudiconfession en fonction du jour de la semaine. Mais le pôle emploi n'a pas d'humour. Donc il t'envoie un texto qui dit "j'ai pas d'humour, je suis psychorigide, alors tu viens modifier ta télécandidature au lieu de faire de la merde". Tu t'exécutes. Tu essaie donc de mettre toute ton âme dans les 140 caractères. Ça plaît toujours pas au pôle emploi qui te renvoie un texto (il a probablement un forfait en illimité) pour te dire qu'il faut que tu résumes l'intégralité de ton CV (qu'ils ont déjà) 43 caractères. Ce que tu vas t'efforcer de faire avec tout ton coeur. Tu penses que tu vas y passer. Mais t'y arrives. Et là, paf. Texto: au pire "l'offre a été suspendue, on t'a fait suer sang et eau dessus, et ça nous a bien fait rigoler", au mieux "on a pas lu ta candidature puisqu'on est que des robots et qu'on a en rien à branler de ta gueule, mais on a quand même décidé que tu correspondais pas au profil". Mais tu renonces pas, parce qu'il te reste une once d'estime de toi même, et tu t'abonnes aux offre d'emplois, pour recevoir toutes les annonces de sexeur de poulet sur ta boite. Et là, le pôle emploi t'envoie un email "non mais quelle idée de vouloir devenir sexeur de poulet aussi, tu vois bien qu'il y a pas de job? mais vraiment, tu t'es cru en position de choisir le métier que tu voulais faire ou quoi? T'as cru que j'étais le père noël? sombre merde va!".
Toi et le site du P.E. vous vous parlez plus. Tu es bien content parce qu'en même temps tu as reçu une convocation pour aller rencontrer un être humain de chair et de sang, fait du même bois que toi, avec un coeur, des émotions, des sentiments. T'es tellement content que tu as pris une douche pour l'occasion. En plus t'as de la chance, en t'asseyant face à lui, tu lui dis "comment va tu, yo de poêle?", et il rigole. C'est trop cool. Alors tu lui vides ton sac. Tu lui dis que tu veux trouver un job de sexeur de poulet, parce que t'as un master de masturbation intellectuelle, et qu'au pire si tu trouves pas, tu pourrais profiter du chômage pour faire une formation de branleur de mouche ou éventuellement passer ton permis. Premier mauvais signe, il te demande en quoi ça consiste exactement sexeur de poulet. Bizarre pour un type dont le métier, c'est d'en trouver un aux autres. Tu lui expliques. Il prend un air de marsouin déshydraté. Puis il te dit, laconique, que de toute façon, le secteur et bouché. Alors tu lui demande pour la formation de branleur de mouche. Il te dit que c'est pas possible, que les formations sont réservées aux repris de justice de 14ans qui ne savent pas écrire leurs noms parce qu'ils ont perdu leur jambe gauche pendant la guerre du Viêt-nam, et que toi avec ton master tu devrais trouver facilement du travail. Tu lui rappelles gentiment que c'est pas le cas, et que c'est précisément la raison de ta présence. Il hausse les épaules: "bah oui, le secteur et bouché". Du coup tu lui demande pour ton permis de conduire. Il te dit sans sourciller que ça fait précisément 14 minutes que le pôle emploi ne les finance plus. Tu es un peu vénère. Alors tu lui dis que t'es venu pour rien. Il te dit que non: il va maintenant t'apprendre à naviguer sur le site du pôle emploi. 
La morale de toute cette histoire, c'est qu'en fouillant bien, je suis absolument certaine qu'on découvriera que le pôle emploi est de mèche avec le lobby du jogging, et qu'il fricote avec les fabricants de mauvaises bière allemande en canette de 50cl et qu'il a des actions dans toutes les industries pharmaceutiques fabriquant des antidépresseurs et que tout ça n'est qu'un immense complot pour te transformer, toi, jeune et innocent chômeur en alcoolique en survet amateur de bière chaude et de jean-marie bigard.
Trouvez moi un job, à genoux, je vous supplie...
(ce post a été sponsorisé par joiedevivre, par jegardeespoir et restonspositifs)

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