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L'incroyable destin de Clarisse Manzon (6)

Publié le 07 décembre 2010 par Mazet

 

Episode 6 – Le point de l'affaire.

Après un nouveau souper ruthénois, je passais la nuit à rêver de Clarisse Manzon. Finalement, je remerciais Dieu de l'avoir croisée. Sans cette lumineuse apparition, je crois que ma nuit aurait été peuplée de cauchemars, car l'atmosphère des rues de Rodez n'étaient guère propice à la sérénité, gage des nuits calmes. Après une longue discussion, avec Monsieur Carrère, voici ce que j'écrivis pour la gazette.

« Partout, on chuchote, on s'observe, on échange des idées, des présomptions, des certitudes. Si personne n'a été témoin du rituel sanglant dans l'antre du diable, tout le monde a assisté au transport du cadavre vers l'Aveyron. Septique devant cet afflux de témoignages, le commissaire Constans se voit accusé d'impuissance sinon de complicité par les amis de Fualdès. Pourtant au moment où j'écris ces lignes, le juge Teulade a pris l'affaire en main. Le docteur Rozier et le chirurgien Bourget confirment la thèse de l'assassinat. La mort a été provoquée par une section de la veine jugulaire à l'aide d'un couteau mal aiguisé dont l'assassin se serait servi comme d'une scie. Le 22 mars, on a procédé à une nouvelle perquisition, elle a conduit a la découverte d'une couverture maculée de quelques traces de sang. La femme Bancal avait donné une explication qui avait satisfait le commissaire Constans. Il s'agissait d'un linge appartenant que la bouchère Palou lui avait confié, ce que d'ailleurs, confirment les gendarmes. Malgré tout, Teulat en a conclu que cette couverture avait servi à emballer le cadavre de Fualdès. Dès lors, les choses se sont accélérées. Antoine Bancal, sa femme Catherine et sa fille Marianne ont été jetés dans les cachots de la prison des Capucins. L'affaire a bouleversé la ville, nul ne sait quand la population recouvrera un peu de bon sens. L' arrestation de ces bougres n'a pas calmé l'ire des Ruthénois. La peur est telle, qu'on demande que d'autres têtes tombent. La mort de Fualdès n'est pas un crime banal, c'est le résultat d'un complot armé dont les organisateurs rodent encore dans Rodez et les environs. »

L'heure du diner avait sonné lorsque j'achevai d'écrire ces lignes. Las, les évènements ne nous laissèrent pas le temps de savourer la truffade. Il était une heure de l'après-midi quand le docteur Auzouy, grand ami de Monsieur Carrère et d'Antoine Fualdès ouvrit avec fracas la porte de la librairie.

- Ils ont pris les enfants Bancal!

Blaise m'expliqua rapidement qu'outre Catherine, les Bancal avaient trois autres enfants dont la garde avait été confiée aux bonnes sœurs.

- Quand ?

- Hier soir!

- Ils ont parlé?

- Oui, surtout la petite Madeleine, celle qui a douze ans. Elle a tout raconté dans le détail.

- Vous y croyez?

- Je n'en sais rien, beaucoup de détails concordent.

J'intervins discrètement.

- On peut tout faire dire à une enfant de douze ans.

Blaise surenchérit.

- Ils auraient été assez sots pour laisser une enfant assister au crime?

- Non, la pauvre petite, qui dormait au premier étage a été réveillée par le vacarme des préparatifs du crime. Elle a réussi à se glisser derrière les rideaux qui entourent le lit. C'est à travers une déchirure qu'elle a assisté aux préparatifs du drame.

- Personne ne l'a remarquée?

- Si, un grand homme chaussé de bottes. Je peux vous affirmer que cette enfant est une miraculée. Il paraît que la mère Bancal a accepté quatre cents francs pour faire disparaître sa fille.

- Mais comment se fait-il que cette enfant soit encore vivante?

- Par la grâce de Dieu, il devait rester quelques sentiments chez le bourreau. C'est à son mari, c'est-à-dire au père de la petite que l'infâme mégère avait confié le soin d'accomplir l'odieuse besogne. Il était en train de creuser la tombe de la pauvrette dans les champs, lorsque celle-ci, envoyée par sa mère, est arrivée. Elle lui dit : « C'est pour moi ce trou? » C'est à ce moment que le miracle s'est produit. Antoine Bancal, sans doute mu par ce qui restait d'humain en lui, a répondu : « Non, c'est pour le cochon ».

Blaise répondit.

- Monsieur Audouy, vous êtes un homme de raison. Comment pouvez-vous croire à ces fadaises?

- Mais une enfant de cette âge, élevée dans cette porcherie ne saurait inventer seule pareille histoire!

- « Seule »! Vous avez trouvé le mot juste. Elle ne l'a pas inventée seule, on l'a lui a soufflée.

- Vous croyez?

- J'en suis persuadé. Je sais que vous souffrez de la perte de votre grand ami Antoine Fualdès. Mais, de grâce, essayez de raison garder! Si les hommes de bien se mettent aussi à délirer que va devenir notre bonne ville?


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