Il faut sauver le Paris-Dakar !

Publié le 15 janvier 2008 par Laurent Matignon

Petit laid


Chapitre 9
Je crois que ça fait déjà plusieurs semaines que je suis ici. Difficile de le savoir avec exactitude. Les jours se ressemblent trop pour qu’on puisse avoir une sensation claire du temps qui passe.
On devrait d’ailleurs plutôt parler d’un seul et même jour, en continu. Rectification : une nuit, sans début ni fin, qui étend ses bras crochus et possessifs sur la misérable fourmilière. Cette noire tarentule a tissé sa toile gluante et répugnante sur les toits de la cité minière et, inhumaine, digère lentement sa proie, en la baignant dans sa bave infâme.
Jusqu’ici, Carine ne m’a pas posé de questions. Ou si peu. Elle ne s’étonne apparemment pas que je ne lui parle jamais de moi, de mes amis, de mon travail, de mon appartement même. Peut-être que ça ne l’intéresse tout simplement pas. Il est heureux que la moitié des gens cherchent quelqu’un à qui confier leur vie et leurs secrets, tandis que l’autre moitié n’est motivée que par l’écoute d’autrui. Qu’en serait-il si personne n’aimait parler de soi ?
Carine part à la fac le matin, et ne rentre que le soir. Elle semble heureuse de me retrouver chez elle à son retour et ne s'enquiert que rarement, pour la forme, de ce que j’ai fait durant son absence. Elle ne m’a pas pour l’instant réclamé un loyer. Cela me forcerait à lui avouer que je ne peux pas. Ce n’est jamais très agréable de reconnaître ce genre de choses.
Je passe mes journées à mater des vidéos et à faire tourner en boucle les quelques CD qu’elle a cru bon de s’offrir, plus pour faire croire à un vernis de culture et de sensibilité que par véritable intérêt. J’y ai retrouvé ce qu’on trouve chez la quasi-totalité des jeunes filles de ce pays. Ce que l’on nomme généralement de la variété, essentiellement française. L’inévitable Goldman est bien présent : c’est à se demander si ce bon vieux Jean-Jacques n’a pas pour effet de favoriser la bonne pousse des fleurs et autres arbustes. Regardez autour de vous et vous en arriverez à la même conclusion que moi : là où on trouve une galette du gentil Goldman, on peut être sûr qu’on trouve un pot de marguerites où une jardinière à moins d’une dizaine de mètres. De là à en déduire qu’il y a un lien de cause à effet… Je propose de capturer le vrai Goldman et de le ligoter au cœur d’une oasis en plein Sahara, afin de voir si le sable doré se transforme en émeraude.
Au pire, ça nous fera toujours des vacances.
Je ne suis pas encore une seule fois sorti le soir. C’est étrange. Ca ne me manque pas. A Carine non plus, apparemment. On se contente de baiser, et chacun finalement y trouve son compte. On fait des économies. Et c’est une occupation qui nous évite de trop parler.
Ca me permettra de mettre plus de temps à me lasser d’elle.