Une fois n’est pas coutume, direction le fief du raffiné Louis Nicollin pour un gros concert que j’attendais autant voir plus qu’Arcade Fire vus l’avant veille au Dome.
Dans un genre très différent car cette fois totalement mainstream.
Les habituels lecteurs et lectrices de mes chroniques d’artistes rock indé, hip hop, electro plus ou moins pointus pourront se demander, à l’instar d’un Robert Menard face à feu George Frêche, « Aller voir Shakira, mais vous n’êtes pas sérieux ? ».
Eh bien si, Shakira fait très sérieusement partie depuis une dizaines d’années de mes « guilty pleasures » et dès l’annonce de son unique passage dans le sud, je n’ai pas hésité une seconde à faire le déplacement avec un ami admirateur de longue date.
Outre ses qualités d‘entertaineuse qui seront développées plus bas, on signalera aux plus circonspects que malgré sa surmédiatisation, la Colombienne distille régulièrement des clins d’œil rock dans ses albums.
D’autres surprises attendent l’amateur de rock perdu dans cette immense enceinte de 10000 personnes qu’est le flambant neuf Zenith Arena.
Celle d’entendre, après avoir attendu dans un froid glacial pour pouvoir être aux premiers rangs, des groupes probablement inconnus des plus jeunes fans de la star.
Lcd Soundsystem, Cure, Clash, Yeah Yeah Yeahs, Lykke Li…pas vraiment ce qui tourne en boucle sur la detestable NRJ.
Le décalage est saisissant avec l’arrivée d’un animateur particulièrement lourd venu vaguement chauffer la salle mais surtout faire sa promo.
Cette manie de s’approprier à ce point ce concert est exaspérante et contre productive, qui a envie d’écouter ces blaireaux après une telle overdose publicitaire ?
En plus de pancartes et t-shirts avec logo bien en évidence, le pompom est atteint avec le message qui accompagnait les cœurs distribués à l’entrée pour faire une surprise à la chanteuse lors du dégoulinant décalque du « Eternal flame » des Bangles, « Underneath your clothes ».
Mix tech house pouet pouet à la limite du tolérable dans ses selections (même si ça fait toujours sourire de chantonner les « ouh ouh » débiles du « Barbra Streisand » de Duck Sauce) et pathétique au niveau technique.
Et puis ces gesticulations neuneu pour se faire mousser, c’était totalement vain.
Un peu agacé à ce stade de la soirée, et de plus en plus impatient de voir arriver la star, on assiste un peu médusé dans la fosse à des disputes et railleries de gens qui ne doivent pas avoir l’habitude quitter leur canapé.
Dans les gradins l’ambiance semblait un peu timorée tout au long de la soirée, ce n’était pas froid mais je m’attendais à un peu plus d’ambiance en général et pas seulement sur les gros tubes.
Ces bémols mis à part, le spectacle était de qualité.
Tout de rose vêtue, elle fend la foule avec grâce et entonne quelques titres en espagnol, langue où sa voix est assurément plus agréable.
Son premier succès international, « Whenever wherever » arrive peu de temps après dans une version plus rock que sur disque.
Le break est l’occasion pour son guitariste foufou d’entonner un riff qui m’est familier, lorsqu’elle entonne le refrain plus de doute, elle aussi a dansé plus jeune sur le « Unbelievable » d’EMF !
Tout aussi incroyable pour quelques chanceuses, elle invite quelque unes de ses admiratrices aux gabarits divers à monter sur scène (essayer de) danser comme elle.
Le flamenco « Gipsy », débarrassé de ses arrangements FM est une bien ballade, suivie ou précédée je ne sais plus par une version à la mandoline du « Nothing Else Matters » de Metallica.
C’est commun de le dire, mais là où ses consœurs du gratin de la pop mondiale se contentent d’être jolies et vocaliser à outrance, Shakira a l’arme fatale pour convaincre les plus difficiles, ses hanches ne mentent pas.
Son corps élastique qui fait tant rêver les mâles et déprimer ses suiveuses, elle s’en sert comme au même titre que sa voix comme un instrument indissociable du reste.
Comme si le reggaeton de « La Tortura » n’était pas assez moite, il devient carrément torride avec ces contorsions.
Mouvements qui confirment en live que le clip, qui m’avait laissé à l’époque bouche bée répéter inlassablement « Mais comment fait elle ? », n’était pas truqué.
Les tubes « Hips don’t lie », « Loca » ou le discoide et sous estimé « She wolf » (repris par ailleurs et non sans hasard par Hot Chip) sont autant d’occasions de remuer du bassin avec elle.
En se disant, résigné, qu’il y avait énormément de boulot pour espérer l’égaler.
Du coup ses choristes qui dansent avec elles, malgré leur agilité, sont plus des faire valoir.
Ses musiciens nous régalent bien, le batteur et le percussionniste sont bien dans le tempo, pas grand chose à redire, c’est carré.
La superbe violoniste apporte un peu de mysticisme en intro de l’orientalisant « Ojos Asis », terminée dans une danse du ventre aussi troublante que le final de « La graine et le mulet ».
Les plus classiques « Ciega sordomuda » et « Inevitable » que je connaissais peu me confortent dans ma préférence de son répertoire en espagnol.
C’est toutefois avec le tube de cet été (trop entendu mais toujours plus digeste que « Mignon mignon ») « Waka waka » qu’elle est la plus ovationnée par le public, accompagnée de jeunes fans qui avaient, moyennant une place VIP à prix exorbitant, eu la chance de la voir de très près.
Je ne sais pas ce que valent les shows des autres stars du moment, mais au regard de cette prestation impressionnante pour le néophyte que j’étais, le triomphe international de la bomba latina est tout sauf immérité.